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Le Maghreb et l’Europe divisés sur l’immigration clandestine

lundi 25 octobre 2004, par nassim

Le débat, prometteur pourtant, engagé par le Maghreb et l’Europe sur le thème de l’immigration clandestine s’embourbe.

La raison est à imputer à la proposition émanant du couple germano-italien portant sur la création de guichets européens au Maghreb destinés à « traiter » les demandes des immigrants clandestins. L’Allemagne et l’Italie (les deux destinations privilégiées des clandestins) voient dans ces guichets un moyen efficace pour juguler le phénomène de l’immigration clandestine menant, chaque année, des centaines de personnes à risquer leur vie pour atteindre l’Europe.

Cet avis est cependant loin d’être partagé au Maghreb, puisque les pays de la région estiment que la gestion de l’immigration clandestine, actuellement soutenue par Berlin et Rome, ne fera qu’aggraver le problème. Car en projetant d’installer de tels centres, l’Europe cherche en réalité à se débarrasser du problème à peu de frais. Ce projet, qui emprunte à la théorie du « containment », dans la mesure où il consiste à surveiller de loin le phénomène et surtout à remballer dans les pays du Sud la responsabilité de la gestion du dossier, ne s’attaque pas en effet aux vraies questions posées par l’immigration clandestine. C’est ainsi qu’après la Libye et la Tunisie c’était au tour, samedi, de l’Algérie d’exprimer son opposition à la proposition de création de ces centres de transit. L’Allemagne et l’Italie, qui sont actuellement soutenues par la Grande-Bretagne, ont fait connaître leur idée la semaine dernière lors de la rencontre de Florence des ministres de l’Intérieur du G5 (réunissant l’Allemagne, la France, l’Espagne, l’Italie et la Grande-Bretagne) consacrée au terrorisme et à l’immigration clandestine. Le ministre des Affaires étrangères, Abdelaziz Belkhadem, a déclaré en marge de la cérémonie organisée à l’occasion de la célébration de la Journée de l’ONU, que l’Algérie était contre la proposition faite par certains pays européens d’ériger des centres de transit au Maghreb pour accueillir des immigrants clandestins. Le chef de la diplomatie algérienne a souligné que l’Algérie « ne pourra pas accepter d’avoir sur le territoire d’un pays du Maghreb un camp où seront parqués les immigrants clandestins, en attendant que leurs dossiers soient régularisés dans un pays européen ». M. Belkhadem a indiqué en outre que « l’Algérie œuvrera à rejeter cette proposition dans le cadre du Forum méditerranéen ». Le ministre des Affaires étrangères a, mentionne-t-on, fait sa déclaration à la veille de sa participation à la 11e session ministérielle du Forum méditerranéen tenue à Paris. Le déplacement des personnes et la lutte contre le terrorisme font partie des questions à l’ordre du jour de cette rencontre.

Rejet des pays du maghreb
Au-delà de son rejet par les pays du Maghreb, il y a lieu de préciser que la proposition germano-italienne ne fait également pas l’unanimité en Europe. La France et l’Espagne s’y opposent fermement. Pour ces deux pays, cette proposition aggravera la situation et fera le bonheur des filières mafieuses impliquées dans l’immigration clandestine. La France et l’Espagne ont également mis en avant un effet pervers à la création de ces centres. Les personnes qui y seraient regroupées pourraient changer de mentalité et « détester l’Europe ». Cela en ferait « des centres de contamination (terroriste) qui pourraient devenir des sortes de bombes à retardement pour les Etats européens », estiment encore des observateurs français. Les deux pays partent aussi du principe qu’il n’appartient pas à l’Europe seule de décider de la création de centres. Il faut, selon eux, que le Haut-Commissariat des Nations unies aux réfugiés (HCR) et les organisations non gouvernementales aient un rôle de premier plan à jouer. Ils proposent toutefois une alternative, celle des « points de contact où les migrants pourraient obtenir de l’information sur leurs droits et leur entrée potentielle dans l’Union ». Outre la problématique de l’immigration clandestine, la réunion des pays du G5, tenue à Florence, s’est, rappelle-t-on, penchée aussi sur les problèmes de terrorisme. Cette réunion fait office, estiment les observateurs, de « répétition » avant le sommet officiel du 4 novembre, où 25 chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union européenne seront appelés à définir les termes de leur politique d’asile et d’immigration. Et au vu des conclusions de la rencontre du G5, les discussions promettent d’être tendues.

La Commission européenne (CE) n’était pas représentée, précise-t-on, à la réunion informelle de Florence. Bruxelles souhaite, néanmoins, que des solutions soient trouvées pour lutter contre l’immigration clandestine. L’idéal pour la CE serait que les positions se rapprochent « car, en réalité, quand des personnes sont interceptées lorsqu’elles tentent leur chance en Méditerranée, la nécessité d’installation de transit se fait sentir ». Malgré la polémique suscitée par la proposition germano-italienne et l’opposition exprimée par les pays maghrébins à la création de ces centres de transit, il est à rappeler que la CE finance actuellement un projet-pilote en Libye sous la houlette du HCR.

Par Zine Cherfaoui, El Watan.