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Le marché noir en Algérie

vendredi 23 juillet 2004, par Hassiba

Le marché « informel » est en réalité un marché parallèle. Tout le monde sait que nous trouvons chez tous les commerçants du pays en même temps des produits pour lesquels tous les droits et les taxes ont été payés et qui circulent avec des factures régulières, et d’autres produits, les mêmes parfois, pour lesquels aucune facture régulière ne peut être faite par le vendeur.

Jusqu’à présent, la répression du commerce parallèle (elle s’exerce sans facture régulière) s’effectue de façon ponctuelle. C’est une opération du genre « coup-de-poing » à grand renfort publicitaire, de déclarations tonitruantes, de grands effets de manche, mais sans aucune efficacité réelle. Cela se fait simplement pour faire croire que les autorités luttent contre ce fléau. Des détaillants, des grossistes sont également contrôlés. En cas de découverte d’un produit sans facture, le commerçant est verbalisé, une lourde amende lui est infligée, mais pas au-delà car cela relève d’une pratique voulue. L’origine du produit litigieux n’est jamais recherchée, ou alors les recherches sont découragées par d’amicales ou inamicales pressions.

Si une volonté politique réelle existait, si M. Boukrouh, le ministre du commerce, et ceux qui sont au-dessus le voulaient, ils pourraient aisément remonter la filière. Pour éviter la sanction de fermeture définitive de son commerce, le détaillant conduirait à sa source le grossiste ou une autre filière. Le grossiste ou un autre intermédiaire conduirait à la tête du réseau l’importateur, le producteur ou un autre. Si la tête du réseau est mise dans l’obligation d’établir des factures régulières, contrôlables et contrôlées, toute la filière serait assainie. Le grossiste ferait des factures pour l’ensemble de sa marchandise et le détaillant ne craindrait plus la visite du contrôleur. Les commerçants honnêtes dormiraient tranquilles, sans être obligés de participer au marché parallèle ou de fermer boutique.

Ne nous y trompons pas, le marché parallèle, alimenté par la vente sans factures, sert surtout pour une grande part d’exutoire à tous les produits importés clandestinement ou avec de fausses déclarations en douane, en quantité ou en valeur. Car comment un importateur, qui présenterait en douane une facture minorée pour laquelle il paie les droits, mais qui est la base fiscale sur laquelle il doit établir son prix de vente, peut-il revendre à 200 DA un produit qu’il a déclaré à 2 DA ? S’il le faisait, il aurait alors un bénéfice fiscal faramineux et l’Etat lui reprendrait en impôts une bonne partie du produit de la fraude et peut-être même de son capital.

Comme cet importateur n’est pas fou, il s’inventera un partenaire fictif ou réel pour lequel il facturera son importation, en prenant une marge raisonnable mais toujours fictive. Le partenaire sera supposé avoir écoulé de la marchandise au détail et donc sans factures ou sans aucune preuve. La marchandise, étant supposée avoir été vendue au détail, elle est alors toujours dans son dépôt. L’importateur aura la liberté d’en disposer comme il l’entend sans avoir de comptes à rendre à personne. Il la vendra de ce fait non pas sur la base du prix minoré, mais sur la base du prix réel d’achat, calculé bien entendu sur le tarif du change parallèle. Il n’aura à subir ni la TAP à 2 % ni la TVA à 17 %. L’IRG ne sera pour lui qu’une blague qui fait rire durant les bonnes soirées les amis.

Alors, vous ne vous demanderez plus d’où viennent toutes ces immenses fortunes qui entretiennent la corruption et dévoilent toutes les structures de l’Etat.

Par Abdelaziz Benfodil, Le Matin