Accueil > ALGERIE > Les causes de la prostitution en Algérie

Les causes de la prostitution en Algérie

vendredi 7 mai 2004, par Hassiba

La prostitution en Algérie comme ailleurs dans le monde a ses causes et ses effets sur la société.

Ce serait autant difficile étant donné qu’elle est profondément ancrée dans nos mentalités, nos mœurs.
Depuis le début des temps, la prostitution a toujours existé. Cependant, au cours des siècles, si le processus a changé, elle en a gardé le principe : des hommes ont été et sont prêts à payer le prix pour obtenir des services sexuels, féminins ou masculins. De nos jours, la prostitution peut se définir comme étant « la vente des gestes sexuels, par une prostituée à un client sexuel, contre de la monnaie, des aliments ou des avantages sociaux ».

Préhistoire et antiquité
Dans les sociétés primitives, on pratiquait l’hospitalité sexuelle, c’est-à-dire qu’il était fréquent d’offrir sa femme ou sa fille à l’hôte que l’on accueillait. Bien vite, l’hospitalité sexuelle s’est transformée en prostitution sacrée. Dans l’antiquité, les femmes se rendaient au temple une fois dans leur vie dans le but d’offrir leur corps à une personne pauvre. Ceci étant basé sur le principe du sacrifice, « l’offrande allait aux divinités ».
Progressivement, la prostitution devient un phénomène social. On parlera dès lors de prostitution profane. C’est également la création des premières maisons closes. Les bénéfices de celles-ci allaient à l’Etat. Les prostituées répondaient aux classes de la société. Au sommet de l’échelle, par exemple, se trouvaient les courtisanes ou hétaïres qui étaient fréquentées par les gens au pouvoir. Certaines ont exercé une certaine influence, comme Aspasie, compagne de Périclès.

De 527 à 565, c’est l’empereur Justinien 1er qui règne avec son épouse Théodora sur l’empire byzantin. Celle-ci, issue d’un milieu populaire - son père était montreur d’ours dans un cirque - avait été actrice et hétaïre. Ce métier avait constitué un obstacle à son mariage et certains la considéraient comme une débauchée. C’est peut-être cela qui sensibilisa le couple à la problématique, même si l’hétaïre - nous l’avons vu - avait un autre statut social que la simple prostituée.

Justinien stipula donc que tous les proxénètes seraient punis s’ils étaient trouvés coupables de pratiquer ce métier. Il ferma les maisons de tolérance et Théodora mit sur pied le premier centre de réadaptation sociale. Malgré ses efforts, le programme fut un échec et le centre fut obligé de fermer ces portes. Aujourd’hui, juridiquement, est proxénète celui qui aide, assiste ou protège la prostitution d’autrui ou en tire profit.

Le début du Moyen-Age occidental
Les nombreuses tribus germaniques pensaient que la prostitution représentait une malédiction à combattre. Théodore fut le premier à user de violence dans ce domaine : les proxénètes étaient jugés sévèrement. Cependant, ce n’est qu’avec le « code Alaric » que la persécution des prostituées a débuté véritablement. Ce code prévoyait que les femmes étaient aussi coupables que les proxénètes et qu’elles étaient justifiables du fouet. Aujourd’hui, on considère la prostitution comme un délit. On interdit et exerce une répression contre les personnes qui s’y livrent, l’organisent et l’exploitent. Personnes prostituées et proxénètes sont considérés comme délinquants et passibles de poursuites.

L’essor des villes
La concentration urbaine, avec notamment beaucoup de jeunes célibataires, apprentis ou manœuvrés, risquait de provoquer de nombreux troubles sociaux. Si la prostitution permet de canaliser la violence, de protéger les honnêtes femmes, de soutenir un mariage stable, alors autant la supporter, voire même l’organiser.

Elle a donc édicté des règles (âge, statut social, provenance des prostituées) et soutenu les notables qui voulaient appliquer les réglementations. Si la prostituée est méprisée, elle est pardonnée même si son pêché est considéré comme plus grave que celui de l’homme. Aujourd’hui, les prostituées sont perçues comme des délinquantes et on prévoit des mesures de réinsertion pour les prostituées.

La ville n’est pas le seul lieu favorable au développement des amours vénales. La prostitution rurale est florissante. Les femmes vont de village en village tout en s’adaptant aux itinéraires des foires et des marchés. Dans les granges, les hommes entretenaient parfois une prostituée pendant quelques jours, quelques semaines.
Néanmoins, c’est dans le milieu urbain que la prostitition s’épanouit, ce sont les municipalités qui vont exercer le contrôle. Les villes possédaient des lupanars, que l’on appelle également dans le langage populaire maisons de toléance. Elles ont été construites avec les deniers publics et leur taille dépendait de l’importance de la ville, de sa population mais aussi des travailleurs qui y venaient temporairement. Généralement, un tenancier ou une ancienne avait la gestion de ces lupanars. Celui-ci était chargé de recruter les filles et de veiller à ce qu’elles respectent certaines règles. Les filles payaient le logement et le couvert, voire un pourcentage sur les passes. Les lupanars ne sont pas toujours des maisons closes. Les prostituées ont pour rôle de racoler dans les lieux publics pour ramener les hommes au lupanar et les faire consommer avant de gagner les chambres. « La cuisine est pour le tenancier presque aussi profitable que la literie ». Mais parfois aussi elles sont clôtrées, sauf pour aller à la messe !

En fait, la condition des prostituées est variable. Certains règlements municipaux se montrent très sévères à l’égard du tenancier qui est violent, par contre, lui accordent quasi les pleins pouvoirs sur « ses filles ».

Evolution du XIe au XVe siècle
Dès la première croisade, soit de 1096 à 1099, les prostituées ont suivi les troupes. Toutefois, pendant la huitième croisade menée par Saint-Louis, l’Etat dut payer un salaire à environ 13 000 prostituées afin d’encourager les troupes à continuer la guerre sa inte. Pendant l’époque où Louis IX régna, soit de 1226 à 1270, la politique face à la prostitution fut changeante, passant de la prohibition à la tolérance. Il menaça d’expulsion toute personne faisant de la prostitution occasionnellement ou comme métier. Alors commença une dure répression, et la prostitution clandestine remplaça les maisons de débauche ouvertes à tous. Mais les plaintes furent nombreuses et sa politique se trouva devant l’échec : il était impossible de mettre fin à un phénomène si répandu.

Il décida donc de concentrer la prostitution dans certains quartiers, à l’écart des maisons de bonne famille. Il ouvrit aussi les portes d’un centre de réadaptation. Aujourd’hui, il existe toujours des quartiers où la prostitution est plus ou moins tolérée par la police et des maisons de réadaptation, de réinsertion pour les prostituées (système en vigueur en France depuis 1946, date de fermeture des maisons closes). Le grand théologien médiéval Saint-Thomas d’Acquint a commencé par insinuer que l’on devait se montrer tolérant envers la prostitution, puis il alla plus loin en mentionnant qu’il était permis d’accepter les fruits de ce commerce. D’ailleurs, les étuves appartenaient parfois à des monastères ou des évêchés.

Par ailleurs, certains pensent que se prostituer, c’est vendre son corps et que cela constitue une atteinte aux droits fondamentaux de l’être humain. D’autres sont plus tolérants et invoquent le droit qu’a chacun de posséder son corps. Pour vérifier que les règlements sont bien appliqués, certaines villes, comme Venise par exemple, assignaient des vêtements particuliers aux femmes de mœurs légères afin qu’on les reconnaisse et que l’on puisse sévir si jamais elles n’obéissaient pas. Il était aussi important pour les dames de la bonne société qu’on ne puisse les confondre avec ces filles de mauvaise vie, d’où l’obligation du port d’un signe distinctif, comme un ruban jaune autour du cou. Aujourd’hui, la prostituée a droit de porter la tenue vestimentaire qui lui plait, à condition de ne pas attenter à la pudeur sur la voie publique. On peut toutefois dire que c’est souvent « la tenue de travail » qui trahit la prostituée.

Qui sont les prostituées
au Moyen-Age ?

Peut-on choisir ce métier par goût ? La plupart y sont acculées par la misère, ou soumises à un viol, et déshonorées, ne peuvent plus espérer vivre une existence de femme honnête, mariée et mère de famille.
Elles commencent généralement de manière occasionnelle, pour faire plaisir à un compagnon. Elles peuvent entrer dans une étuve comme domestique, « hôtesse » en sorte lorsqu’elle sont encore jeunes et jolies, pour finir, avant trente ans, dans un bordel où le client est moins regardant sur le physique.

Certaines encore travailleront dans des boîtes privées. Lorsque leur âge interdit de vivre encore de leurs charmes, soit elles ont une promotion et deviennent abbesses, soit elles entrent dans une institution religieuse spécialisée. Depuis quelques années, nous assistons à une véritable prolifération d’hôtels implantés le plus souvent sur le littoral de la grande bleue et qui servent le plus souvent de « lieux de passe ». Ces établissements de seconde zone dont le seul souci est le profit accueillant des hétaïres d’autres wilayas venues gagner leur vie parfois dans des conditions effroyables. Ces jeunes femmes ont chacune d’elles une histoire à raconter sur leur ancien vécu ainsi que les raisons qui les ont poussées à pratiquer ce métier honni par notre société.
(A suivre)

Par Mohamed El-Ouahed, La Nouvelle République