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Les magistrats sous haute surveillance en Algérie

dimanche 13 juin 2004, par Hassiba

En souffrance dans les tiroirs du bureau de l’APN depuis le mois de septembre 2003, le projet de loi organique, portant statut de la magistrature, et celui de la loi relative à la composition, au fonctionnement et aux attributions du Conseil supérieur de la magistrature (CSM), ont fini par atterrir sur la table d’étude de la commission juridique de la Chambre basse.

Les membres de cette structure permanente, présidée par le député FLN, Messaoud Chihoub, examinent, depuis plusieurs jours, les deux projets de textes, défendus, à l’occasion de trois auditions, par le garde des Sceaux, Tayeb Belaïz. Ils travaillent, selon des sources parlementaires, au rythme de réunions quotidiennes, dans le but de finaliser le rapport préliminaire dans un délai très court, et permettre ainsi l’ouverture d’un débat général sur les deux projets de loi, puis leur adoption durant la session de printemps, qui sera clôturée - selon les prévisions -, vers la fin du mois de juillet.

Les principaux amendements, apportés à la loi en vigueur, concernent la formation des magistrats, leur salaire et leurs prérogatives. À ce titre, l’Institut national de la magistrature gagne le statut d’École supérieure de la magistrature et, par ricochet, l’autonomie financière et de gestion. Il reviendra aux responsables de cet établissement d’organiser le concours national pour le recrutement d’élèves magistrats. “Les conditions de recrutement ainsi que l’organisation et le fonctionnement du concours sont déterminés par voie réglementaire”.

Selon un député, le gouvernement veut favoriser, de cette manière-là, la spécialisation des magistrats, qui venaient jusqu’alors exclusivement des facultés de droit. “...Le traitement de nouveaux contentieux de plus en plus complexes induisant une nouvelle configuration de l’organisation judiciaire largement orientée vers la spécialisation”. Le gouvernement a consenti, dans l’article 29 de son projet de loi sur le statut de la magistrature, le droit à “l’inamovibilité du juge du siège” au bout de dix années d’ancienneté (il ne saurait être muté, dans une autre juridiction, sans son consentement). Cette disposition est considérée assez restrictive pour les juges qui cumulent moins d’une décennie d’exercice. D’autant que dans la loi en vigueur, l’inamovibilité est acquise par le magistrat, sept ans après son affectation. Au-delà de l’aspect lié strictement à la durée, le principe d’inamovibilité perd sa signification dans le dernier alinéa de l’article 29, qui stipule que “le Conseil supérieur de la magistrature peut décider de la mutation des magistrats du siège si l’intérêt du service de la justice l’exige, dans le cadre du mouvement annuel des magistrats”.

Le projet de statut de magistrature précise le salaire et autres avantages à accorder systématiquement aux magistrats (dont le logement de fonction) ; le régime de retraite ; et bien sûr les obligations, en première ligne, celle de réserve.
Il est assez difficile de savoir, au jour d’aujourd’hui, si les projets du gouvernement auront l’assentiment sans réserve des magistrats. D’autant que les dispositions, contestées par le Syndicat national des magistrats en octobre 2002, sont laissées en état dans les copies transmises à l’APN, il y a neuf mois. Le problème se pose particulièrement dans le projet de loi organique relative au Conseil supérieur de la magistrature dont les prérogatives sont réduites à des portions congrues.

Le gouvernement a pris, en revanche, scrupuleusement en compte les remarques du Conseil constitutionnel, qui a invalidé en novembre 2002, la loi portant statut de la magistrature, adoptée par le Parlement un mois plus tôt. “Nous utilisons, nous-mêmes, l’avis du Conseil constitutionnel comme document de base à l’examen des deux projets de loi”, a soutenu un député. L’anomalie majeure, constatée par l’institution présidée par Mohamed Bedjaoui, a trait à l’insertion des dispositions relevant de deux lois organiques (l’une sur le statut de la magistrature, l’autre sur le Conseil supérieur de la magistrature) dans un seul texte et ce, en violation des articles de la Constitution. Pour rappel, le projet de statut de la magistrature, revendication principale des magistrats, a connu un parcours assez cahoteux, depuis 1999.
À l’époque, le gouvernement s’est attelé à mettre la loi portant statut de la magistrature, datant de 1989, en conformité avec la Constitution révisée en 1996. Le projet, adopté sans anicroches par l’APN, est bloqué pendant trois années par le Conseil de la nation, lequel émet des réserves sur cinq articles touchant essentiellement les obligations et droits des magistrats, leur rémunération ainsi que le fonctionnement et les attributions du CSM.

En automne 2002, le Chef du gouvernement, Ali Benflis, convoque la commission paritaire du Parlement pour statuer sur le dossier. Les articles litigieux sont pris en charge rapidement par la structure. Ce qui permet l’adoption de la loi. Sur saisine du président de la République, le Conseil constitutionnel donne un avis défavorable sur la constitutionnalité de la loi. Le gouvernement apporte à sa copie les correctifs nécessaires avant de la transmettre à nouveau à l’APN en septembre dernier.

Par Souhila H., Liberté