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Les “projets”de Jacques Chirac pour l’Algérie

jeudi 15 avril 2004, par Hassiba

C’est une première dans l’histoire des relations tumultueuses entre l’Algérie et la France : le président
Jacques Chirac est attendu, aujourd’hui, à Alger, pour une visite de travail de quelques heures durant laquelle il déjeunera avec son homologue algérien le président Abdelaziz Bouteflika.

Jacques Chirac vient à Alger pour féliciter Abdelaziz Bouteflika après sa réélection triomphale pour un second mandat présidentiel de cinq ans. Pourtant, les Français le savent : le moment n’est pas bien choisi pour une telle initiative. Une semaine après le déroulement du scrutin présidentiel, de lourds soupçons continuent de peser sur les conditions de la réélection de Abdelaziz Bouteflika avec près de 85% des suffrages. L’opposition continue, en effet, d’affirmer que le scrutin a été entaché de nombreuses irrégularités. Et certains partis politiques, à l’image du FFS, accusent ouvertement l’armée d’avoir conclu un “deal” avec le président sortant quelques mois avant l’élection. Même en France, la presse et l’opposition se sont interrogées sur la régularité du scrutin du 8 avril dernier.

Pourquoi donc le président français a-t-il décidé de venir à Alger pour donner du crédit aux résultats d’une élection que beaucoup, à Paris comme à Alger, jugent suspects ? Il y a d’abord le contexte international. Occupés par la gestion de la situation en Irak, les Américains ont délaissé momentanément les autres dossiers. L’administration Bush ne devrait pas s’intéresser à la situation algérienne avant au moins l’élection présidentielle américaine de novembre prochain.

Dans la rude bataille que se livrent Américains et Français pour accroître leur influence dans la région du Maghreb, Jacques Chirac vient de marquer un point décisif face à George Bush. Mais au-delà de la situation internationale, le déplacement algérois du président français ne fait que confirmer la nouvelle orientation de la politique algérienne de la France. Depuis maintenant deux ans, l’Élysée, qui gère directement le dossier algérien, a acquis la conviction définitive que “les pays arabes, dont l’Algérie, sont incompatibles avec la démocratie”.

Les calculs des stratèges de l’Élysée sont simples : pousser les régimes arabes à se démocratiser d’une manière radicale et brutale conduira, au mieux, à l’arrivée au pouvoir des islamistes et au pire à l’installation du chaos. Dans les deux cas, les intérêts français dans ces pays se trouveront sérieusement menacés. Jacques Chirac, conforté dans ses vues, depuis quelques mois, par l’expérience malheureuse des Américains en Irak, a donc décidé de privilégier la stabilité dans les pays arabes au détriment de la démocratie. Dans ce contexte, Paris a opté pour le “dialogue” avec le régime algérien : à la fois avec sa façade civile, incarnée par le président Bouteflika, et avec les décideurs militaires. À plusieurs reprises, des émissaires de l’Élysée ont été reçus par les généraux Tewfik et Lamari pour évoquer la construction démocratique en Algérie. Certains connaisseurs des relations franco-algériennes vont même jusqu’à affirmer que Paris a joué un rôle déterminant dans le “deal” entre l’Armée et le président Bouteflika qui a conduit à la réélection de ce dernier pour un second mandat. Signe flagrant de ce choix : l’absence de dialogue entre Paris et les dirigeants de l’opposition.

La droite au pouvoir en France se méfie des dirigeants comme Hocine Aït Ahmed, Ahmed Taleb Ibrahimi ou encore de l’opposition islamiste. Ils estiment que le poids des autres formations et personnalités politiques n’est pas suffisant pour pouvoir incarner une alternative crédible au régime actuel. En février dernier, Ali Benflis, de passage à Paris à deux reprises, n’a été reçu par aucun dirigeant français.

L’homme, qui était pourtant présenté par toute la presse française comme le principal rival du président sortant, a dû se contenter de quelques entretiens avec des représentants de partis politiques ou de syndicats. Pour les dirigeants français, il y a des lignes rouges que les décideurs algériens ne devraient en aucun cas franchir pour continuer à bénéficier de son soutien : la nécessité de maintenir une presse plurielle, un multipartisme de façade...

Sur le reste, Jacques Chirac est toujours disposé à “comprendre” le pouvoir algérien.

Guémache Lounès, Liberté