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Madrid vue d’Alger

La colère de la communauté espagnole en Algérie

lundi 15 mars 2004, par Hassiba

Une colère sourde agite la communauté espagnole en Algérie dont la majorité était encore traumatisée par les attentats de Madrid alors qu’elle était appelée, hier, aux urnes.

En ce jour de vote pour les élections législatives espagnoles, l’ambassade d’Espagne à Alger ne présentait aucun signe d’effervescence. Les expatriés espagnols se sont réunis, depuis l’attentat de Madrid, dans des appartements et autres habitations pour discuter, échanger des informations et parfois prier pour leurs morts devant des autels édifiés. La plupart n’avaient pas le coeur à aller voter : « il y en a même qui n’ont pas prononcé un mot depuis le 11 mars ».

Qu’ils soient ingénieurs dans la pétrochimie, missionnaires dans des ONG humanitaires ou techniciens travaillant sur des projets de coopération, les Espagnols ont été meurtris par les attentats de Madrid qui ont fait 200 morts. « Nous sommes totalement perdus, nous attendons des informations qui n’arrivent pas. Avant de voter, il aurait fallu qu’on nous dise qui a bien pu commettre de tels crimes », explique Keko, un ressortissant espagnol, établi en Algérie depuis deux ans, qui exprime son désarroi. Il ajoute qu’en affirmant que le mouvement séparatiste basque, l’ETA, était l’auteur de ces attentats, le gouvernement de José Maria Aznar a mis la charrue avant les boeufs. « C’est une grosse erreur », déplore-t-il.

Le gouvernement espagnol veut-il cacher les auteurs des attentats aux Espagnols ? C’est la question que tous les membres de la communauté espagnole en Algérie se pose à l’instar de leurs compatriotes.

Il est vrai que si la thèse de l’implication d’Al-Qaïda dans ces attentats venait à se confirmer le chef du gouvernement espagnol, José Maria Aznar se retrouverait dans l’embarras. La coopération de l’Espagne dans la guerre d’Irak est déjà pointée du doigt par les Espagnols d’Algérie. Keko estime que les réponses aux questions que se posent les Espagnols tardent à venir. « Maintenant, il est trop tard ! », soutient-il. Car, ajoute-t-il, après ces événements, « toute la politique espagnole est à revoir. Le Parti populaire de José Maria Aznar étant très influent, les Espagnols auraient dû voter selon les révélations sur les auteurs des attentats (...) Une chose est sûre, déclare notre interlocuteur, « l’Espagne n’a rien à faire en Irak. Il est évident que la guerre n’apportera rien à l’Espagne ». Un son de cloche qu’on retrouve souvent chez les expatriés espagnols qui vivent dans un pays arabe.

Et si c’était l’ETA ? « Une grande majorité des Espagnols demandent l’indépendance du pays basque », estime un ressortissant espagnol mais il tempère en indiquant « qu’aucune cause ne justifie de telles atrocités ».

Quoi qu’il en soit, Keko et les autres affirment que lors des tragiques événements du 11 mars, ils ont été bien soutenus par les Algériens qui les ont entourés d’attention et qui leur ont présenté leurs condoléances. « Dans les moments les plus difficiles, mes amis Algériens m’ont témoigné une grande compassion, j’en suis reconnaissant ! », dit l’un des Espagnols rencontrés.

Du côté officiel, l’ambassade espagnole à Alger a pris des mesures supplémentaires de sécurité en consignant son personnel diplomatique. Les ressortissants espagnols venus pour voter étaient peu nombreux en ce dimanche. La majorité d’entre eux préfèrent voter par courrier électronique via Internet. Des urnes électroniques ont été mises en place, « ils préfèrent utiliser cette voie », affirme-t-on à la chancellerie. Mais comme les ressortissants espagnols, l’ambassade d’Espagne à Alger a tenu, dans un communiqué rendu public hier, à exprimer sa « reconnaissance au peuple algérien ». En soulignant que « depuis le 11 mars, l’ambassade d’Espagne reçoit sans cesse des manifestations de solidarité et d’affection ainsi que le rejet envers les affreuses attaques terroristes subies à Madrid ». Les Espagnols qui vivent un contexte de terrorisme avec l’ETA ne perdent pas de vue, en ces moments tragiques, les souffrances endurées par les Algériens face au terrorisme du GIA et du GSPC et leur abnégation à l’affronter, « Le courage et l’intégrité du peuple algérien sont un exemple qui se manifeste en ces circonstances par sa réaction immédiate d’appui au peuple espagnol ».

De ce fait, Madrid a rapproché davantage Espagnols et Algériens dans l’épreuve et l’adversité. Un message que tiennent à faire passer les « Espagnols d’Algérie ».

Amel Blidi, Le Quotidien d’Alger