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Mohamed Benchicou : LE MATIN ne se laissera pas faire

samedi 6 mars 2004, par nassim

Les avocats du Matin qualifient d’”illégale” la procédure engagée par le fisc contre le journal.

Sommé de verser un montant de 39 millions de DA, au plus tard aujourd’hui, à l’administration du fisc, Mohamed Benchicou, directeur du quotidien Le Matin compte se rendre aujourd’hui à la direction territoriale des impôts pour souscrire à un échéancier de paiement. Faute de l’aboutissement de cette démarche, le patrimoine du journal sera saisi à partir de demain et les locaux mis sous scellés.

Jusqu’à jeudi dernier, l’ultimatum restait de vigueur. L’auteur du pamphlet Bouteflika, une imposture algérienne, qui a animé, hier, une conférence de presse, a clairement signifié qu’il n’attend nullement de faveurs de la part de l’administration des impôts ou d’autres privilèges au-dessus des autres contribuables. Il demande seulement un calendrier de paiement comme le stipulent les dispositions du code des impôts. “L’on est en droit d’attendre un échéancier. Le Matin n’exige pas de faveurs et notre journal ne prétend pas se situer au-dessus des obligations de tout contribuable algérien.” Et de poursuivre : “Notre journal n’est pas en mesure de régler cette somme dans l’immédiat. Ils veulent nous asphyxier financièrement. Cette attaque n’a rien de technique encore moins fiscale.

Le but est de nous faire taire.” Cela étant, Mohamed Benchicou clame haut et fort que Le Matin est victime d’“une situation arbitraire unique dans les annales de la presse algérienne”. Pour lui, “je ne sais pas ce que représentait le total de 39 millions DA”. Dans la mise en demeure envoyée lundi dernier à son domicile personnel, il est indiqué que cette somme représente l’Impôt sur le revenu global (IRG). Sans accorder aucun délai comme le stipule le code des impôts directs, l’administration du fisc a donné, a-t-il dit, un ultimatum de quatre jours pour réunir cette somme.

Benchicou s’interroge, en outre, sur les raisons de la prise de telles mesures coercitives sur la société, du moment qu’il s’agit des taxes à titre d’IRG. “Pourquoi s’acharne-t-on sur un actionnaire du journal ?”. Rappelant le harcèlement dont fait l’objet Le Matin depuis un certain temps, le directeur de la publication expliquera encore que “cette mise en demeure participe de la même méthode de l’imprimerie lorsque celle-ci avait exigé de notre journal de payer rubis sur l’ongle 13 milliards de centimes pour nous imprimer notre quotidien”. Et d’expliquer : “Du moment que la méthode n’a pas changé, donc le but reste le même, à savoir casser Le Matin.” Mohamed Benchicou a rappelé à l’assistance que le compte bancaire du journal est bloqué et ce, depuis octobre dernier, tout en précisant encore que le quotidien qu’il dirige continue à payer l’imprimerie et les impôts chaque mois.

Relayé par Me Messaoudi, un membre du collectif d’avocats du journal, celui-ci relèvera que le code des impôts n’a pas été respecté. La contestation porte, selon l’avocat, sur les chiffres d’affaires erronés de la société. Pour preuve, il rappellera que le compte de son client avoisinait les 10,3 milliards de centimes en 2001, alors que l’administration du fisc avait, ajoutera-t-il, avancé le chiffre de 22 milliards de centimes. Selon Me Messaoudi, il y a une volonté de passer outre ses prérogatives et de priver la société de ses droits de bénéficier d’un échéancier. “Si l’ultimatum venait à être exécuté, sachez que le fisc mettrait en chômage d’office 100 personnes avec la disparition de 200 emplois périphériques”, indiquera-t-il. Pour sa part, Me Benarbia expliquera que sur le plan juridique, la fermeture des locaux d’une société ne peut être ordonnée que 10 jours après la notification et ce, dans le cas où le contribuable refuserait de régler ses impôts et de souscrire à un échéancier. Là, il ne s’agit pas, rappelle-t-il, d’un tel cas, puisque Benchicou demande l’établissement d’un calendrier de paiement.

Répondant à une question, le directeur de l’administration dénoncera le fait que l’administration n’ait pas accordé de délai à l’entreprise Le Matin pour régler ses impôts. “Je défie le fisc de prouver qu’il nous a accordé un échéancier”, dira-t-il.

Entouré d’une brochette de personnalités politiques, Mohamed Benchicou affichera une volonté inébranlable de se battre pour que Le Matin reste toujours sur le marché.
“On ne va pas se laisser faire”, conclura Benchicou, avant de céder la parole aux personnalités présentes : Ghozali, Bererhi, Aslaoui, commandant Azzeddine, Sallat, ou encore le doyen du mouvement des archs cheikh Amar qui a lancé un appel aux Algériens pour se mobiliser massivement afin de sauver la liberté de la presse qui est, dit-il, irréversible.

R. H.

Ce que prévoit le code des impôts

Article 17 du code des impôts directs paru dans le Journal officiel no 80 du 24 décembre 2000 :
“Les dispositions de l’article 392 du code des impôts directs et taxes assimilées sont modifiées et rédigées comme suit :

ART. 392 - les poursuites sont effectuées par les agents de l’administration dûment agréés ou les huissiers de justice. Elles peuvent éventuellement être confiées en ce qui concerne la saisine exécutoire aux huissiers. Les poursuites procèdent de la force exécutoire donnée aux rôles par le ministre chargé des Finances. Les mesures d’exécution sont la fermeture temporaire des locaux professionnels, la saisie et la vente. Toutefois, la fermeture temporaire et la saisie sont obligatoirement précédées d’un commandement qui peut être signifié un jour franc après la date d’exigibilité de l’impôt. La fermeture temporaire est prononcée par le directeur de wilaya sur rapport du comptable poursuivant. La durée de fermeture ne peut excéder les six mois. La décision de fermeture est notifiée par l’agent agréé ou l’huissier de justice.
Si dans un délai de 10 jours à compter de la date de notification, le contribuable concerné ne s’est pas libéré de sa dette ou n’a pas souscrit un échéancier de paiement expressément accepté par le receveur poursuivant, la décision de fermeture est mise à exécution par l’agent de poursuite ou l’huissier de justice”.

Le club des amis de la presse indépendante est né
Sur initiative de l’ancien ministre de l’Enseignement supérieur, M. Abdelhak Bererhi, un cercle des amis de la presse a vu le jour, hier, en marge de la conférence de presse du directeur de la publication du Matin. Ce club vise, selon son initiateur, à créer une dynamique parmi la société civile pour sauvegarder cet acquis de la liberté de la presse. L’action vient afin d’offrir un espace aux citoyens algériens pour se mobiliser massivement pour le maintien de la presse indépendante. L’affaire du Matin a inspiré les représentants de la société civile à poursuivre le combat de la liberté, tout en préservant ces journaux qui “dénoncent tous les scandales et tout ce qui se trame sur le dos du peuple”, s’est-il défendu.

Ce dernier a demandé aux présents hier au journal Le Matin d’apposer leurs signatures avec leurs coordonnées sur une feuille mise à la disposition des citoyens et ce, pour rester en contact afin de parler des suites à donner à ce cercle. Les Ghozali, Aslaoui, commandant Azzedine, Louiza Ighilahriz et autres se sont mis de la partie.
Il faut rappeler qu’une initiative similaire qui s’appelait le Comité national de sauvegarde des libertés a déjà vu le jour, pendant l’été dernier.

R. H., Liberté