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Piètre polémique franco-française sur l’invitation d’Abdelaziz Bouteflika à Toulon

dimanche 8 août 2004, par Hassiba

Abdelaziz Bouteflika fera partie des seize chefs d’Etat et de gouvernement invités à l’occasion des cérémonies du 60e anniversaire du débarquement allié en Provence, le 15 août.

Cette visite survient au lendemain de celles effectuées par plusieurs ministres des deux rives de la Méditerranée et après que les deux chefs d’Etat, Bouteflika et Chirac, eurent affirmé vouloir signer un traité d’amitié entre les deux nations. Cette visite, que les officiels français mesurent à sa juste valeur, est destinée à rendre hommage aux soldats algériens qui se sont sacrifiés pour que la France et l’Europe puissent vivre libres.Le raffermissement entre les deux Etats ne peut se faire que si, de part et d’autre, la volonté de tourner la page est réelle. Une volonté qui ne peut souffrir aucun positionnement d’un quelconque lobby ou parti politique.

« Il est utile de préciser qu’aucune confusion n’est à faire entre cette page d’histoire écrite en commun en août 1944 et d’autres événements ultérieurs, si douloureux soient-ils », a expliqué hier le ministre français en charge des Anciens combattants, Hamlaoui Mekachera, pour couper court aux polémiques. Il a assuré qu’un « légitime et digne hommage » sera rendu « à nos alliés et à l’ancienne armée d’Afrique ».Les soldats mobilisés en Algérie, Tunisie et Maroc étaient d’environ 180 000 hommes. Mais il se trouve certains, parmi les politiques français, qui veulent entretenir l’amalgame et la confusion. Si la position de la communauté pied-noir, anciens colonisateurs de l’Algérie, est évidente et qu’elle supporte mal la présence annoncée de l’ancien responsable du FLN qui a mené la guerre pour que l’Algérie soit indépendante est évidente, la position de députés de la majorité présidentielle l’est moins. Mi-juillet, une soixantaine de députés de la majorité ont signé une pétition, lancée par Claude Goasguen, député de Paris, et Geneviève Lévy, députée du Var, pour s’« indigner » de la visite du président algérien qui représente, selon eux, « une insulte à la mémoire de ceux qui sont tombés pour libérer la France et que M. Abdelaziz Bouteflika a toujours ignorés, voire bafoués ».

Pour le député européen Philippe de Villiers, président du Mouvement pour la France, il est « paradoxal de célébrer la mémoire des anciens combattants d’Afrique du Nord qui ont cru en la France et d’inviter parallèlement à cette manifestation celui qui s’est distingué à plusieurs reprises par ses propos provocateurs et insultants, à l’égard des harkis notamment ». Même hostilité à l’extrême droite : le traditionaliste Bernard Antony a appelé à manifester contre la présence d’Abdelaziz Bouteflika.Les déclarations du président algérien, lors de sa visite en France en juin 2000, assimilant les harkis à des collabos n’ont pas été oubliées par ceux qui n’ont pas su offrir à cette catégorie de Français les conditions d’un accueil digne en 1962. « Les conditions ne sont pas encore venues pour des visites de harkis, avait-il déclaré. C’est exactement comme si on demandait à un Français de la Résistance de toucher la main d’un collabo », avait déclaré le président Bouteflika.Aujourd’hui, alors qu’un traité d’amitié est en préparation pour 2005, Paris n’entend pas se brouiller avec son voisin en abordant trop tôt les sujets qui fâchent, laissent entendre certains commentateurs de la presse française. Ils oublient que si certains ont choisi la France, d’autres, un million et demi de martyrs, ont choisi de mourir pour que vive l’Algérie libre et indépendante. Les autorités françaises, plus consciente des enjeux futurs, ont réaffirmé leur volonté de tourner la page et de construire une coopération d’exception avec l’Algérie. Ainsi, le ministère des Affaires étrangères a fait savoir, le 3 août, que « les autorités françaises sont heureuses que le président Bouteflika ait accepté au nom de l’Algérie de participer à ces cérémonies. Nous menons par ailleurs avec l’Algérie, depuis la visite d’Etat du président de la République en mars 2003, un travail de mémoire commun qui a déjà donné lieu à des réalisations concrètes ». Parmi celles-ci, les Algériens ont pu remarquer le retour en nombre de pieds-noirs en visite en Algérie.

La volonté d’ouvrir l’économie algérienne à des investisseurs français est un autre signe que l’Algérie, sans oublier le passé, a tourné la page des expropriations qui ont touché l’ensemble des Algériens au lendemain de leur envahissement par les troupes coloniales françaises. Cela, au moment où des tombes de soldats musulmans sont profanées en Alsace. Ces dernières ont été profanées dans la nuit de jeudi à vendredi au cimetière militaire de Cronenbourg. Une offense qui coïncide avec la volonté des autorités françaises de rendre hommage aux musulmans qui ont combattu pour sa libération.La ministre française de la Défense avait affirmé, lors de sa visite à Alger, l’intérêt pour les deux pays de prendre en charge par la France les droits des Algériens qui ont combattu lors de la Seconde Guerre mondiale au sein de l’armée française.Pas à pas, les Algériens et les Français assument leur histoire commune sans rien oublier ni renier. L’avenir ne se construit qu’une fois le passé bien assumé et que les intérêts de chaque partie bien déterminés.

Par Amine Echikr, La Tribune