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Polémique autour du Conseil constitutionnel

Rejet de trois candidatures aux élections

lundi 8 mars 2004, par Hassiba

La polémique autour de « l’éviction » de trois candidats par le Conseil constitutionnel prend une nouvelle tournure avec des révélations sur une subtilisation de formulaires appartenant à Ahmed Taleb-Ibrahimi gardés sous scellés dans un local du Palais des nations.

Bien avant le verdict, différents candidats avaient dénoncé « l’instrumentalisation de l’institution au service du président de la République ».

Depuis le 3 mars, la neutralité et l’équité de l’institution garante du respect de la Constitution et des lois de la République sont remises en question. L’éviction d’Ahmed Taleb-Ibrahimi, Sid-Ahmed Ghozali et Moussa Touati est qualifiée de décision « politique » par ces derniers. Sid-Ahmed Ghozali parlait d’une « escroquerie » le soir même de l’annonce. Le président du FNA indiquait que l’institution n’est pas « libre » de son verdict.
« Je constate que le Conseil constitutionnel n’est pas neutre et objectif.
Etant donné qu’il est nommé par le Président de la République, toute personne qui dérange Abdelaziz Bouteflika doit être éliminée par tous les moyens », avait indiqué Moussa Touati. La dernière sortie, rapportée par la presse, émane de Karim Younès, lors d’un meeting avec les militants du parti du Front de libération nationale (FLN) à Skikda, ce week-end. Le président de l’APN et membre du bureau politique du FLN aurait déclaré que « Ghozali a été éliminé parce qu’il représente un certain patelin. Taleb parce qu’il dispose d’une grande popularité et Touati pour sa fraternité affichée avec Benflis ». Il reprendra et « commentera » les informations publiées concernant le dossier d’Ahmed Taleb-Ibrahimi.

Dans les colonnes de l’édition d’hier de La Tribune, Karim Younès qui « n’a rien à justifier », précisera qu’il n’« a fait que reprendre une information d’un journal ». Dans un communiqué envoyé hier, le président de l’Assemblée soulignera qu’il « a prudemment relevé que si l’information qui a été rapportée sur la subtilisation, après leur dépôt, de formulaires de souscription d’un candidat venait à se confirmer, ce serait un précédent grave ».
En reprenant de telles informations dans un discours militant, Karim Younès ne fait, néanmoins, que renforcer les doutes quant à la crédibilité du Conseil constitutionnel. Un événement qui n’échappera nullement à Ahmed Taleb-Ibrahimi. Pour le président du parti non agréé Wafa, premier concerné dans cette affaire, cette information ne peut être que vraie, ceci d’autant plus qu’elle a été confirmée par une source officielle.
« Cela a été déclaré par le troisième homme de l’Etat », a déclaré Ahmed Taleb-Ibrahimi, lors de sa conférence de presse, hier. Quant au président du Conseil constitutionnel, qui a fermement réagi dans le Jeune Indépendant, il s’est dit « étonné que le législateur, par le biais du président de l’APN, n’ait pas pris le soin de se rapprocher du Conseil ou de le saisir officiellement comme l’y autorise la Constitution. Les institutions doivent se respecter et ne pas recourir à des allusions pour véhiculer des rumeurs. C’est de l’irresponsabilité ». Il a d’ailleurs invité M. Taleb- Ibrahimi à venir vérifier l’intégralité de son dossier.
« Si M. Taleb- Ibrahimi veut que nous lui montrions ses 121 cartons avec les formulaires rangés selon ses soins, conformément aux chiffres portés sur chaque carton, nous sommes prêts », a-t-il précisé. Contacté pour de plus amples informations, Mohamed Bedjaoui a refusé de répondre. « Je n’ai plus rien à déclarer puisque tout ce que je dis est déformé par la presse », a indiqué le président du Conseil constitutionnel.

Ces différentes déclarations sont trop graves pour être prises à la légère quand il s’agit de la crédibilité du Conseil constitutionnel à la veille d’une échéance électorale aussi importante que celle de la présidentielle. Surtout quand ces informations ne sont plus seulement relayées par des postulants à la magistrature suprême mais également par le président d’une autre institution républicaine, l’Assemblée populaire nationale.

Reste à savoir si, comme le prévoit la Constitution, une saisine du conseil sera faite en ce sens.

Samar Smati, Le Matin