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Prise de conscience sur l’impératif de réformer la Ligue arabe

dimanche 20 mars 2005, par Hassiba

Réunis en conseil préparatoire du sommet des chefs d’Etat de la Ligue arabe (mardi prochain), les ministres arabes des Affaires étrangères ont fait étalage hier de leur volonté commune d’aller vers une organisation réformée.

Loin du caractère stéréotypé de la « photo de famille » prise hier par les ministres arabes des Affaires étrangères, leur séance de travail semble avoir été dense en dépit du fait qu’il s’agissait davantage de l’adoption d’un ordre du jour contenu dans le projet de résolution que leur a préparé la toute récente réunion des experts sur les mêmes lieux.C’est du moins ce qui apparaît dans les propos des représentants des vingt-deux pays membres de cette Ligue hier lors de la première séance des travaux qui se déroulent au Hilton.

Cependant, cette volonté attend d’être mue en pratique. Vérification dès l’adoption aujourd’hui du texte final à présenter mardi prochain au sommet des chefs d’Etat. A commencer par les termes usités par le duo Abdelaziz Belkhadem-Amr Moussa à l’occasion de la cérémonie d’entame ouverte à la presse avant que les ministres ne poursuivent leur conclave à huis clos, l’aspiration théorique à faire changer des habitudes vieilles de soixante ans se faisait audible hier à Alger.

Pour le chef de la diplomatie algérienne, les Arabes se réunissent en 17e sommet dans une conjoncture difficile et sensible. Le succès de cette session est lié au degré d’avancement des travaux -ceux concernant la réforme notamment- au sein du Conseil ministériel qui a eu, jusqu’à la fin de l’après-midi d’hier, à adopter la somme de points (plus d’une quinzaine au total) qui lui ont été soumis l’avant-veille par la réunion des experts.

Plaidant pour une Ligue dotée de moyens financiers, humains et méthodologiques, Belkhadem estime que les « réformes fondamentales » projetées visent à « bâtir un ensemble crédible et performant » au « bénéfice du citoyen arabe ». En dépit du fait qu’il soit transitoire -et dont la composante serait quasiment désignée et non élue au départ-, le futur Parlement arabe, à lancer lors de ce sommet algérois, est perçu par Belkhadem et ses pairs comme étant un « important acquis ». Il en est de même en ce qui est lié au mécanisme de vote au sein de cette organisation et en ce qui concerne le comité de suivi et d’exécution des décisions de la Ligue. C’est également le cas concernant la mise sur pied d’une troïka -à l’image de celle de l’Union européenne- appelée à faire avancer plus efficacement les travaux de la Ligue. Aussi est-il prévu l’élargissement de cette dernière à la société civile, relève le ministre algérien.

Tout en définissant « sept espaces géopolitiques » sur lesquels le Monde arabe est aujourd’hui contraint d’œuvrer avec grand intérêt relativement aux réformes politiques en son sein qui doivent, toujours selon Belkhadem, tenir compte des spécificités de cette région du monde et de celles de chacun de ses pays membres. Un « saut collectif », résume-t-il. Sont à passer en revue, selon les propos de Belkhadem, la paix globale au Moyen-Orient répondant au consensus arabe et à l’initiative de paix adoptée en 2002 à Beyrouth ; la situation en Irak où les Arabes sont appelés à soutenir le prolongement des élections du 30 janvier dernier en appuyant l’édification d’un système constitutionnel et institutionnel démocratique sans exclusion ; les efforts visant à la sauvegarde de l’unité territoriale et du peuple soudanais... et éloigner les démons de la division et les combats entre frères ; l’aide à la Somalie pour qu’elle sorte de sa situation difficile et de l’anarchie qui y règne ; le règlement pacifique du conflit frontalier (trois îles) entre les Emirats arabes unis et la République islamique d’Iran ; les diverses réformes en attente de concrétisation pour assurer une sécurité arabe commune et une stratégie globale de développement et, enfin, dans le cadre de la mondialisation et de la globalisation, le positionnement arabe impose une réorganisation relationnelle sur la base de nouveaux rapports de force en prenant en compte la nécessité d’intensifier les efforts pour lutter contre le terrorisme.

En bref, ce sont ces « défis » qui ont été mis en avant hier par le chef de la diplomatie algérienne devant ses homologues arabes sous l’acquiescement du secrétaire général de la Ligue arabe, Amr Moussa. L’espace géopolitique arabe et son environnement direct, africain et asiatique, connaissent donc des défis et des tensions caractérisés par un refus de modernisation, chaque fois repoussés et reportés, relève en substance Abdelaziz Belkhadem. « Que la Ligue soit à l’écoute des sociétés », indique-t-il en somme. C’est le même « tempo », avec visiblement moins de précision et d’engagement, qu’on trouve dans les propos prononcés par le secrétaire général de cette Ligue, Amr Moussa.

Qualifiant la situation arabe actuelle de « minutieuse », le diplomate égyptien tente d’expliquer que l’idée de la réforme dans le Monde arabe a commencé bien avant les sommets de Tunis, de Beyrouth et de Amman puisque, selon lui, cela remonte à la rencontre précédente au Caire. En revenant au constat réel de cet an 2005, Amr Moussa relève que « nous voulons un saut qualitatif comme l’a dit le président » du Conseil des ministres, Belkhadem en l’occurrence. Dans la présentation de son rapport depuis Tunis 2004, il axera sur « l’impératif pour les pays arabes de soutenir la Ligue arabe politiquement, moralement et matériellement », comprendre financièrement. Car, semble-t-il, le volet budgétaire de cette organisation serait en souffrance. « Optimiste », Amr Moussa mettra l’accent sur « la zone de libre-échange ayant déjà 18 membres », sur les 22 que compte cette organisation au total.

Au sujet de la question relative au financement de la Ligue, il y a lieu de noter qu’à la levée de la séance de l’après-midi d’hier, le Conseil des ministres des Affaires étrangères avait pratiquement adopté l’ensemble des points à porter sur le texte qu’ils soumettront à la réunion des chefs d’Etat mardi prochain hormis les questions déjà demeurées en suspens lors de la réunion des experts. Il s’agit de la coopération de la Ligue avec les autres ensembles régionaux -l’Union africaine notamment (dossier portant sur la réforme du Conseil de sécurité de l’ONU)- ; des questions structurelles et organiques (finances...) ainsi que d’une proposition jordanienne en ce qui concerne la paix israélo-arabe. Sur ce point précis, le ministre jordanien, Hani El Molki, a tenu à relever que son pays refusait la « normalisation avec Israël sans la conclusion préalable d’une paix juste » dans la région. Cette question, occupant longuement les coulisses de cette réunion ministérielle au point de voir le ministre jordanien assailli par les nombreux représentants de la presse nationale et internationale, ne devant finalement créer aucune vague notable sur le déroulement normal et serein des travaux. Du moins jusqu’à la fin de l’après-midi de ce 19 mars 2005 annonciateur du succès de la rencontre au sommet, mardi prochain, à Alger qui se tient avec un fort désir de réformer. Pour preuve, pas un seul pays n’a émis des réserves sur cet impératif. La présence ou non de quelques-uns des présidents ou souverains n’aura alors que peu de signification.

Par Younes Hamidouche, www.latribune-online.com