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RSF distingue un journaliste algérien, Hafnaoui Ghoul

mardi 21 décembre 2004, par Hassiba

Défenseur des droits de l’homme et des libertés, Hafnaoui Ghoul se voit décerner le prix Reporters sans frontières.

Avec sa figure ronde et son sourire d’adolescent, on ne devinerait pas qu’il a 36 ans et qu’il est père de trois enfants. Hafnaoui Ghoul, qui s’est vu attribuer, mardi 21 décembre, le prix Reporters sans frontières-Fondation de France, est autant journaliste que militant des droits de l’homme. Cela lui vaut d’ailleurs quelques ennuis. Cet arabophone, qui s’exprime en français avec difficulté, est en liberté provisoire. Il n’a donc pas pu venir recevoir son prix à Paris.

Hafnaoui Ghoul ne bénéficie pas de l’appui d’une rédaction et du prestige d’un journal. Il est multipigiste. El-Youm et Al-Khabar Hebdo sont ses employeurs les plus connus. En parallèle, il anime un centre de presse, Soumia, riche d’une bibliothèque de 5 000 livres, un trésor en Algérie.

Hafnaoui Ghoul n’a pas fait de longues études. Après le bac, c’est sur le terrain qu’il fait son apprentissage. Et son terrain, c’est Djelfa, sa ville natale. Djelfa se situe au cœur de l’Algérie. Mais pour la misère, c’est déjà le Grand Sud. Dans cette wilaya de 880 000 habitants, à 400 km d’Alger, les notables règnent en maîtres. Difficile pour le simple citoyen de faire valoir ses droits. En avril, Djamel Taleb, un habitant de Djelfa, père de famille de 38 ans, a fait le voyage à Alger pour s’y immoler par le feu, à l’intérieur de la Maison de la presse, devant une dizaine de journalistes horrifiés et impuissants.

Hafnaoui Ghoul écrit et dénonce ce qu’il voit. Au début de sa carrière, il s’intéresse à la sociologie rurale et à l’histoire des oulémas (religieux) de sa région, auxquels il consacre deux ouvrages. Mais à la fin des années 1980 il se met à dénoncer des élections préfabriquées, la pauvreté, l’injustice... En 2001, il entre à la Ligue algérienne de défense des droits de l’homme (LADDH), pour se "sentir moins seul". Désormais, son activité de journaliste se confond avec la défense des libertés. En mars, 13 nourrissons décèdent en l’espace de deux semaines à l’hôpital de Djelfa. Ghoul Hafnaoui accuse le directeur de l’établissement d’en être responsable, par négligence... La LADDH, qui publie un communiqué, relaie l’affaire à Alger.

En mai, Hafnaoui Ghoul s’en prend au wali (préfet) de Djelfa et à sa gestion. Résultat : 14 plaintes sont déposées contre lui et, presque aussitôt, il est mis en prison pour "diffamation et outrage à corps constitués". Son sort émeut la profession, qui se mobilise pour lui, en Algérie et à l’étranger. Il finit par bénéficier d’une mesure de grâce ("que je n’ai pas demandée", tient-il à souligner), à l’occasion d’une visite à Djelfa du président Bouteflika. Six mois plus tard, le 24 novembre, il sort de prison. Depuis, il se mobilise pour Mohamed Benchicou, le directeur du Matin, qui, lui, reste sous les verrous, malgré de sévères ennuis de santé.

"Il n’y a pas de canal de communication entre la base et le sommet, aujourd’hui, en Algérie. On instrumentalise la justice et on s’abrite derrière elle. On proclame à tout bout de champ qu’elle est indépendante et qu’il faut la laisser faire son travail. Mais il s’agit d’un slogan creux et faux", estime l’avocat du journaliste, Me Ahmine Nourredine. "Au lieu de tenter de régler les problèmes par le biais de la justice, ajoute-t-il, on ferait mieux, tout simplement, d’écouter les gens."

Par Florence Beaugé, www.lemonde.fr