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Sidi-Saïd rompt le silence

mardi 19 avril 2005, par Stanislas

Sidi-Saïd, ancien wali de Tizi-Ouzou, nous livre un témoignage fort intéressant sur l’une des périodes les plus douloureuses de l’Algérie indépendante.

Un éclairage nouveau qui participe à l’écriture de l’histoire contemporaine de la nation.
Le commis de l’Etat nous livre un témoignage fort intéressant sur l’une des périodes les plus douloureuses de l’Algérie indépendante. Un éclairage nouveau qui participe à l’écriture de l’histoire contemporaine de la nation.

L’Expression : Vous étiez le wali de Tizi Ouzou en 1980 en plein Printemps berbère. Jusqu’à maintenant, vous ne vous êtes jamais exprimé publiquement sur cette période. Pourquoi ? Pourquoi acceptez-vous de rompre aujourd’hui ce long silence ?

Hamid Sidi-Saïd : Le Printemps berbère célébrera dans quelques jours son 25e anniversaire. Pendant ces vingt-cinq ans, beaucoup a été dit et écrit sur l’un des événements les plus marquants de l’Algérie indépendante. Des vérités ont été exprimées. Des informations inexactes ont été diffusées, bien souvent de bonne foi, par ceux qui n’étaient pas en mesure de disposer des données réelles. Quelques-uns, d’ailleurs très rares, sont généralement bien informés pour connaître certaines vérités, mais persistent à les occulter ou les travestir pour ne ressasser que celles qu’ils s’évertuent à exploiter à des fins politiciennes. Les hautes fonctions que j’occupais exigeaient de moi l’obligation de réserve pour de longues années. Mais après 25 ans, s’impose désormais à moi le devoir impérieux de témoigner sur des événements dans lesquels j’étais directement impliqué. Je vous remercie de me donner l’occasion de le faire. Cela, en attendant la sortie d’un livre, actuellement en préparation, et dans lequel je développe tout ce qui est lié au Printemps berbère.

Parler du Printemps berbère nous amène naturellement à l’interdiction de la conférence de Mouloud Mammeri. Qui a interdit cette conférence ? Pourquoi ?

Avant de répondre directement à cette question, je voudrais faire quelques brefs rappels. Le centre universitaire de Tizi Ouzou a entamé sa troisième année universitaire (1979-1980) dans un climat tendu, particulièrement marqué par une grève qui a duré 28 jours pour une question de représentativité des étudiants au sein du comité universitaire. La grève a pris fin avec la dissolution du comité à tendance Unja et l’élection d’un nouveau comité. Mais le conflit entre les deux tendances n’a jamais cessé. Le 9 mars 1980, le commissaire national du parti, M.Mohamed Bourzam, a invité le comité de coordination de wilaya à une réunion élargie au recteur du centre universitaire. Il nous a donné alors deux informations : des militants de l’Unja l’ont informé de la tenue, le 10 mars, d’une conférence de M.Mouloud Mammeri au centre universitaire de Tizi Ouzou, et qu’à l’issue de la conférence, les étudiants organiseront une marche en ville ; M.Bourzam a communiqué cette information au responsable du département organique du parti qui lui a donné l’instruction de faire annuler cette conférence. Le recteur a été chargé de prendre attache avec l’écrivain et lui demander de surseoir à la tenue de cette conférence. Le recteur n’ayant pas pu joindre Mouloud Mammeri, le mouhafedh porte cette information à la connaissance du responsable organique qui lui a donné l’instruction d’interdire à Mammeri l’accès à l’université, même « s’il faut l’arrêter ».

Pourquoi cette réaction épidermique d’un responsable national du parti ?

En fait, la conférence de Tizi Ouzou vient une semaine après un entretien accordé par Mouloud Mammeri au journal français Libération et consacré à la sortie de son nouveau livre Poèmes kabyles anciens.
Bien qu’il n’y ait absolument rien dans cet entretien qui puisse provoquer la colère des responsables du parti, cette sortie de l’écrivain a été « mal digérée » par la direction du parti qui a vite établi un lien entre l’entretien de Libération et la conférence de Tizi Ouzou. Mais interdire l’accès à l’université à quiconque est du ressort du recteur. Arrêter qui que ce soit relève de la seule compétence du wali. Aux environs de 20h, j’ai essayé de prendre attache avec le ministre de l’Intérieur, que je n’ai pu joindre. Pour éviter tout incident à l’université au cas où Mouloud Mammeri s’y rendrait directement, des policiers ont été chargés d’attendre l’écrivain à l’entrée de Tizi Ouzou pour l’inviter à se présenter au cabinet du wali. Devant me rendre à une réunion avec les APC et les comités de villages de la daïra de Draâ El-Mizan, j’ai chargé mon chef de cabinet de recevoir l’écrivain et de l’informer du report de sa conférence. Mon chef de cabinet, Amar Fellahi, jeune cadre universitaire et fervent admirateur de Mouloud Mammeri, l’a accueilli avec un grand respect et n’a pas osé lui demander de ne pas se rendre à l’université. Après avoir exprimé sa surprise et ses regrets, M.Mammeri a informé qu’il doit se rendre à l’université pour porter à la connaissance des universitaires qui l’ont invité ce qui vient de lui être notifié. Puis il est reparti sur Alger en compagnie du professeur Salem Chaker avec lequel il est venu.

Quelles sont les premières réactions que cette interdiction a provoquées ?

La première réaction a été immédiate. Elle a été, bien sûr, celle des universitaires. Dès le matin du 11 mars, une importante manifestation des étudiants, d’enseignants et de travailleurs a été organisée à travers les rues de Tizi Ouzou avec des rassemblements devant la wilaya et la mouhafadha. Les slogans criés ou inscrits sur les banderoles étaient notamment : « Culture berbère, culture algérienne », « Halte à la répression culturelle », « Mouhafedh-wali : Conférence de Mammeri ? ». Cette manifestation ouvrait la voie à un intense mouvement de protestation qui allait toucher toutes les localités de la wilaya où il y avait un lycée et un CEM. Les manifestations des lycéens et collégiens, contrairement à celles des étudiants, ont donné lieu à des saccages en règle des établissements publics. Des instructions strictes ont été données pour éviter tout affrontement avec les lycéens quelle que soit la nature de la manifestation.

C’est ainsi que la ville d’Aïn El Hammam a été saccagée devant toute une unité d’intervention de la police et du chef de sûreté de wilaya, M. Hamimi Naït Abdelaziz, qui a essayé, en vain, de convaincre les manifestants de crier ce qu’ils veulent, mais de ne pas casser. La protestation passe à un stade supérieur avec l’occupation, le 9 avril, du centre universitaire, par les étudiants, les enseignants et les travailleurs du Cous. Malgré la visite de M.Abdelhak Brerehi, ministre de l’Enseignement supérieur, qui s’est rendu dans l’enceinte de l’université occupée, pour débloquer la situation, l’occupation s’est poursuivie et s’est étendue au CHU Nédir-Mohamed, à l’usine Sonelec et à d’autres établissements. Un meeting, organisé le 10 avril avec les militants du parti et des organisations de masse, a eu un impact plutôt négatif, notamment avec le commentaire qu’en a fait le journal télévisé et qui a exaspéré les citoyens. A l’appel des meneurs du mouvement, une grève générale a été suivie, le 16 avril, par la quasi-totalité des secteurs d’activité. La protestation a pris ainsi une autre dimension.

Pourquoi l’ampleur de la protestation couronnée par le succès d’une grève générale n’a pas amené les pouvoirs publics à trouver une issue à la crise ?

Nous avons effectivement pensé que le communiqué du ministre de l’Enseignement supérieur invitant tous les étudiants à reprendre les cours le 19 avril, annonçait une initiative que M.Abdelhak Brerehi devait prendre pour débloquer la situation. Cela m’amène à me poser cette question. Si cette situation avait été débloquée à ce stade, est-ce qu’on aurait connu cette escalade dans les événements avec l’extension de la protestation à la Kabylie profonde ? La question reste posée. Car si important qu’ait été le mouvement mis en branle depuis le 11 mars, il n’avait pas encore la véritable dimension populaire que seule cette Kabylie profonde pouvait lui conférer. Or, la Kabylie profonde, ce sont les deux mille villages, gardiens des valeurs les plus sûres et des traditions les plus nobles des Kabyles et qui sont restés dans l’expectative jusqu’au 20 avril.

Parlons du 20 avril. On sait que c’est la date de l’évacuation de l’université par la force publique. Qui a décidé cette évacuation ? Comment s’est-elle déroulée ?

Comme vous le savez, l’université était occupée depuis le 9 avril. D’autres établissements (hôpital, lycées, usine Sonelec notamment) étaient aussi occupés. Tout le monde était conscient qu’il fallait trouver une solution. Et c’est dans cet esprit que le comité de coordination de la wilaya (mouhafedh, wali, chef de secteur, président de l’APW) s’est déplacé, le 19 avril dans l’après-midi, pour assister à une réunion à 18h au siège central du parti.
Présidée par M.Mohamed Salah Yahiaoui, cette réunion a regroupé Si Abdelghani, Premier ministre, le ministre de l’Enseignement supérieur, le ministre de l’Information, le secrétaire général du ministère de l’Intérieur, le responsable du département organique du parti et les responsables des trois services de sécurité.
Après avoir écouté un compte-rendu sur la situation par le wali et le mouhafedh, M.Yahiaoui nous a « libérés » et nous a invités à attendre qu’on nous appelle. Nous n’avons pas pris part aux débats qui ont duré de 18h à 23h.
A 23 heures, M.Mohamed Salah Yahiaoui était seul à nous recevoir pour nous annoncer qu’il a été décidé d’évacuer l’université le 20 avril au matin.

Il nous a précisé que toutes les dispositions ont été prises avec les services de sécurité chargés de l’opération. On a ainsi choisi la pire des solutions. En arrivant à la wilaya vers minuit, le chef de sûreté de wilaya, M.Hamimi Naït Abdelaziz, m’attendait pour me dire que M.El Hadi Khediri, directeur général de la Sûreté nationale, l’a chargé de m’informer que l’évacuation de l’université est reportée. Les autres services de sécurité de la wilaya n’ont reçu aucune instruction de leurs supérieurs pour se préparer à une telle opération. Le mouhafedh a informé M.Mohamed-Salah Yahiaoui de ce qu’il vient d’apprendre. Le responsable du parti paraissait surpris et a demandé au mouhafedh d’attendre de nouvelles instructions. L’attente a duré près d’une heure et demie, 90 longues minutes qui ont donné un autre cours aux événements. L’évacuation a été confirmée, et ce n’est qu’à 2h que les services de sécurité ont commencé à préparer l’opération prévue à 5h. Cette opération, porteuse de tous les dangers, a été mal préparée, précipitée et brutale. Le bilan est très lourd : 453 blessés. Le plus gravement atteint est mon cousin Omar Sidi-Saïd, étudiant en mathématiques. Les sirènes des ambulances évacuant les blessés vers l’hôpital réveillèrent la ville.

Quelle a été la réaction de la population ? Quand les manifestations ont commencé ? Quelle était leur ampleur ?

La rumeur annonça très vite la mort de dizaines d’étudiants et le viol des étudiantes. Je dois préciser que la cité de jeunes filles de Medouha n’était pas concernée par l’opération qui a touché le campus de Hasnaoua, l’hôpital Nedir et l’usine Sonelec. Quoi qu’il en soit, vers 10h, la première manifestation spontanée de la population de Tizi Ouzou envahit les rues de la ville aux cris : « A bas la répression », « Libérez les étudiants ». Les environs immédiats de Tizi Ouzou manifestent en ville vers 13h, suivis des villages de Ouaguenoun avec toujours les même slogans. Les manifestations ont duré jusqu’à 22h. La situation a été maîtrisée sans dégâts et mon anxiété d’apprendre un ou plusieurs décès parmi les étudiants hospitalisés a été dissipée.

Mais la population croyait toujours qu’il y avait des morts et que leur nombre était élevé. Les premières manifestations du dimanche 20 avril annonçaient un ouragan qui allait déferler sur Tizi Ouzou, dès le lundi 21 avril.
Les principaux animateurs du mouvement culturel ayant été arrêtés ou en fuite, les manifestations populaires étaient d’abord spontanées puis prises en charge par les villageois eux-mêmes et qui viennent grossir les rangs des manifestants de Tizi Ouzou qui, ce lundi, ont érigé des barricades en Haute-Ville et dans d’autres quartiers.
Des affrontements violents ont opposé les services de sécurité aux manifestants qui ont eu recours à divers projectiles et aux cocktails Molotov. De nombreux blessés ont été signalés au sein des manifestants et dans les rangs des services de sécurité. Quelques établissements ont été saccagés. Le calme est revenu, dès la tombée de la nuit, dans les rues de la ville où les pneus brûlés continuaient de dégager une épaisse fumée.

Dans la soirée, M.Mohamed-Salah Yahiaoui, responsable du parti, m’a téléphoné pour m’exhorter à mobiliser, avec les responsables de la wilaya, les militants, les élus, les organisations de masse pour « éviter un affrontement entre l’armée et le peuple ». Son inquiétude me fait comprendre que l’hypothèse de l’intervention de l’armée à Tizi Ouzou était envisagée. Je dois dire que, depuis le début des événements qui ont bouleversé la wilaya pendant une quarantaine de jours, l’Armée nationale populaire n’a été impliquée en aucune façon et aucun djoundi n’est sorti de sa caserne.

L’éventualité que redoutait M.Mohamed-Salah Yahiaoui qui, visiblement, ne souhaitait pas impliquer l’armée avec toutes les conséquences que l’on peut imaginer, a-t-elle été envisagée parce qu’on avait estimé que la situation risquerait de ne plus être maîtrisée ?
Il faut souligner que, pratiquement, toutes les unités d’intervention de la police et de la gendarmerie étaient mobilisées à Tizi Ouzou. Autrement dit, si, à Dieu ne plaise, ces unités étaient dépassées, le recours à l’armée serait inévitable. Et les informations en provenance de toutes les daïras annonçaient pour le lendemain, mardi 22 avril, un déplacement vers Tizi Ouzou de la population en colère beaucoup plus important que les jours précédents. Aussi, avons-nous décidé avec les services de sécurité de limiter, autant que faire se peut, la confrontation avec les manifestants et de ne mobiliser les moyens disponibles que pour protéger les différentes institutions de la wilaya et les établissements névralgiques. Le mardi matin à la première heure, j’ai reçu la visite de M. Aïche Mohand-Saïd. Le pharmacien Mohand-Saïd Aïche était l’un des jeunes du lycée de Ben Aknoun qui avaient constitué l’un des premiers noyaux de la lutte pour l’amazighité. Homme aussi intègre que discret, il était l’une des personnalités les plus respectées de la wilaya et jouissait de nombreuses connaissances dans les milieux du pouvoir. Et lorsqu’il m’avait demandé de « tout faire pour éviter l’intervention de l’armée », il confirmait l’hypothèse que craignait M. Mohamed-Salah Yahiaoui.

M.Aïche m’a assuré de la détermination des hommes de bonne volonté de la ville à faire leur possible pour contribuer au retour au calme. Mais était-ce suffisant quand, ce mardi 22 avril 1980, nous entamions une journée au cours de laquelle Tizi Ouzou avait failli brûler ? Des milliers et des milliers de manifestants affluaient des villages les plus éloignés, des communes, des agglomérations vers Tizi Ouzou. Les rues de la ville étaient devenues de véritables torrents humains déversant les flots de manifestants vers les institutions de la wilaya et les établissements publics. La wilaya, la mouhafadha, le Palais de justice, la poste centrale étaient encerclés par les manifestants lançant des pierres et des cocktails Molotov vers les forces de sécurité. Des incendies ont été allumés dans plusieurs quartiers de la ville. Le commissaire du parti, des députés, des responsables des organisations de masse ont été évacués in extremis du siège de la mouhafadha devant lequel les blindés de la police étaient renversés par la foule en colère comme des fétus de paille. Les manifestants encerclant le siège de la wilaya grossissaient d’heure en heure, les cocktails Molotov atterrissaient même dans le garage de la wilaya à trois niveaux au-dessous de mon bureau. C’est à ce moment que le Premier ministre, Si Abdelghani, m’avait téléphoné pour s’enquérir de la situation et demander si « l’Etat tient ou s’il faut des renforts ». Demander des renforts, c’est tout simplement solliciter l’intervention de l’armée. Après quelques secondes d’hésitation, je lui avais répondu que la situation était difficile mais les forces de sécurité en place sont en mesure de la maîtriser avec les moyens que nous avons. Les renforts ne sont pas nécessaires. Vers midi, il était pratiquement impossible de rentrer à Tizi Ouzou ou d’en sortir. Une délégation de personnalités de la Kabylie chargées par M.Mohamed Salah Yahiaoui d’essayer d’agir pour ramener le calme, a été bloquée à la daïra de Bordj Ménaïel. Essayer de ramener le calme, c’est ce que j’ai demandé par téléphone à plusieurs personnalités de Tizi Ouzou, ces hommes de bonne volonté dont avait parlé Mohand-Saïd Aïche.

La plupart se sont engagés à ne ménager aucun effort pour apaiser les esprits en agissant surtout auprès de la population de la ville de Tizi Ouzou. La terrible journée du 22 avril a enregistré de nombreux blessés parmi les manifestants et davantage de blessés parmi les policiers et les gendarmes soumis à une rude épreuve, mais Tizi Ouzou n’a pas brûlé. Pour le lendemain 23 avril, de nouvelles dispositions ont été prises avec les services de sécurité pour isoler la ville de Tizi Ouzou en empêchant les manifestants, venus de l’intérieur de la wilaya, d’y accéder. Dès le matin du mercredi 23 avril, des dizaines de jeunes de la Haute-Ville de Tizi Ouzou démolissaient les barricades et enlevaient les obstacles de toutes sortes encombrant les rues de la ville. Quelques petits groupes, qui avaient tenté de reprendre les manifestations, ont été dissuadés par les jeunes de la Haute-Ville. Les manifestants venus des régions de la wilaya, notamment de Tigzirt, Larbaâ Nath Irathen, n’ont pu rentrer à Tizi Ouzou. Celle-ci retrouvait progressivement le calme dans un climat encore tendu. Le bilan de ces journées est très lourd. Beaucoup de blessés dans les rangs de la police et de la gendarmerie et dans les rangs des manifestants, des dégâts matériels importants, mais l’essentiel c’est qu’il n’y ait pas eu de morts. Vingt-cinq ans après, il se dit et il s’écrit qu’il y a eu des morts en 1980 à Tizi Ouzou.
On comprend cela quand on revoit le film des événements et qu’on conclut que le fait qu’il n’y ait pas de morts relève du miracle. Aussi, faut-il rendre hommage à tous ceux qui ont tout mis en oeuvre pour éviter le pire, du plus haut responsable du pays aux policiers et aux gendarmes en passant par ceux qui, à des degrés divers, ont été à la hauteur de leurs responsabilités.

Le pire a aussi été évité grâce au comportement de la population qui, malgré sa colère, n’a pas tenté de s’attaquer aux casernes de l’armée, de la gendarmerie et, à une exception près, aux commissariats de police à travers l’ensemble de la wilaya. Enfin, il faut saluer les efforts louables de beaucoup de citoyens qui ont essayé, même s’ils n’ont pas toujours réussi, d’apaiser les esprits. C’est tout cela qui a fait qu’il n’y a pas eu de morts en 1980. Certes, le Printemps berbère est né dans la douleur, mais aucun mort n’a endeuillé sa naissance.

Quelques mots pour conclure...

En m’ouvrant aujourd’hui à vous, et à travers votre journal, à l’opinion publique, comme je compte le faire dans un livre actuellement en préparation, ce n’est pas pour me dédouaner de quoi que ce soit. Mais seulement pour apporter un témoignage qui s’ajoutera aux témoignages de tous ceux qui ont écrit sur le Printemps berbère. Mon témoignage n’est pas celui d’un simple observateur, mais celui d’un représentant de l’Etat dans la wilaya, investi de larges prérogatives qu’il a exercées dans le respect de la loi. J’assume entièrement tous les aspects positifs et aussi tous les aspects négatifs qui relèvent de l’exercice de mes hautes fonctions de 1979 à 1984 à Tizi Ouzou.
Je peux me permettre d’affirmer que la seule satisfaction qui vaille pour moi est que j’ai fait partie des quelques hommes qui ont contribué à éviter à la wilaya de Tizi Ouzou un terrible drame, et je pense que c’était pour nous la meilleure façon de servir l’Algérie.

Par Ali FAHSI, lexpressiondz.com