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Terrorisme : La réconciliation sans tabous (3e partie et fin)

jeudi 16 décembre 2004, par Hassiba

Le recours à la violence aveugle contre son propre pays est injustifiable et donc intolérable. Cependant, est-ce nécessaire pour combattre l’imbécillité de descendre à son niveau. Vouloir agir sur la réalité nationale avec des idées simplistes, c’est refuser sa complexité. Ce qui a pour effet immédiat de la compliquer. La crise algérienne est un écheveau qui nécessite pour être démêlé tact, patience mais aussi une démarche élaborée et surtout une pensée politique plus sophistiquée.

Les Algériens se laissent volontiers menés par le bout du cœur. Ils se laissent ainsi enrégimentés sous des slogans contre-productifs même s’ils apparaissent en première lecture comme des condensés de patriotisme d’autant qu’ils sont énoncés par des hommes intègres de la stature de Mohamed Boudiaf ou de Slimane Amirat. « L’Algérie d’abord et avant tout », cette affirmation de Boudiaf, certes sincère, est très discutable. Elle ne correspond malheureusement pas à une réponse de rupture avec le passé ni à la volonté déclarée pour une renaissance de la société algérienne. Voilà ce que j’en pensais en 1996 (1) « Il (le slogan) recèle plus d’émotion que de raison. Quel est ce messie aux mains de qui nous déposerions le droit de définir, pour nous, les frontières entre l’essentiel et l’accessoire ? Décidément, c’est un slogan creux, il fait plus de vacarmes qu’il ne rassemble et ne résolve de problèmes. L’Algérie au cœur, voilà le maître-mot. » Personne n’a le droit de se prévaloir d’être le dépositaire exclusif du label « Algérie », fut-il Mohamed Boudiaf. Opposer à son contradicteur « ya khouya ! L’Algérie avant tout ! » est un sport national. On frappe d’ostracisme l’autre à moindres frais. Nezzar, lui-même, qualifie le slogan de Boudiaf de « passé-outre péremptoire ». Ce n’est pas ainsi que nous sortirons manifestement de cet état de crise, aujourd’hui larvée car diluée dans une réserve de change de quelques dizaines milliards de dollars.

La facilité déconcertante avec laquelle Slimane Amirat, le défunt et très respectable président du Mouvement démocratique du renouveau algerien, semble avoir résolu un dilemme cornélien : « Entre l’Algérie et la démocratie, je choisis l’Algérie » est déconcertante. Une fois que la charge affective de cette sentencieuse déclaration est évacuée, la porte de la fitna est ouverte ! Il est plus raisonnable d’écouter le vieux sage Hocine Aït Ahmed répondant à un de ces jeunes détracteurs et rival politique : « La seule manière d’être patriote aujourd’hui est d’être démocrate. » Les circonstances ayant présidé à la désignation de Belaïd Abdesselem au poste de chef du gouvernement sont révélatrices du simplisme avec lequel les affaires publiques ont pu être abordées.

Nezzar explique qu’au cours d’une discussion autour d’un noir, en compagnie de Ali Kafi, Belaïd Abdesselem utilise la formule de « l’économie de guerre ». Les deux hommes sont séduits et lui proposent le gouvernement. Emballé, c’est pesé ! Belaïd Abdesselem est Premier ministre. Nezzar dira plus tard que, nonobstant la bonne volonté et la sincérité de ce grand commis de l’Etat, il n’avait pas plus que ce concept dans le ventre. Mais, que peut-on avoir dans la tête quand on engage le gouvernement de l’Algérie sur une lapalissade. Si après çà, on s’interroge encore à quoi peut ressembler un canasson, c’est qu’on est soi-même un cas difficile. D’un général sans étoiles les évènements de 1992 ont fait une star ! Nous vivons une ère où les nouvelles technologies de l’information sont d’une grande efficacité pour la communication mais aussi pour sa face cachée, la désinformation et la manipulation. Les vérités sont travesties et le virtuel prend la place du réel pour installer des systèmes où le faux peut prendre la valeur du vrai. La fin étant d’asseoir sa suprématie sur le monde des idées pour régner sur la planète. Nous n’exhumerons pas toutes les querelles que beaucoup d’ignares d’ici et d’ailleurs font injustement à l’Islam. Il est loisible à tout un chacun, cherchant sincèrement la vérité, de constater que ce sont les fondements immuables de l’Islam qui lui confèrent une universalité certaine, à commencer par l’affirmation de l’unicité d’un Dieu unique.

Contrairement aux contrevérités avec lesquelles on s’acharne à nous saturer les neurones, le message universel du Coran porte en lui la quintessence même de la modernité. « Un retour aux sources n’implique pas du tout pour les musulmans qu’ils doivent avancer vers leur avenir à reculons. »(4) La réconciliation nationale, en impulsant une culture citoyenne de la tolérance pour qu’elle imprègne l’éducation des générations montantes, nous immunisera contre tous les syndromes suicidaires. La décennie du malheur nous apparaîtra alors comme ayant été un mal pour un bien. Chacun reconnaîtra dans la différence de l’autre une déclinaison intéressante et enviable de l’amour pour l’Algérie commune. Une Algérie emmenée vers une certaine idée du bonheur par des hommes et des femmes affermis par la liberté qu’ont eu leurs citoyens à les choisir. Cette Algérie, c’est pour demain. Elle possède tant d’atouts que la mayonnaise a beau être récalcitrante, elle finira par monter. L’astuce est de commencer à en rêver tout de suite !

Notes :

 1- Mokhbi Abdelouahab, « Appel aux déserteurs », rubrique Opinions, El Watan des 15, 16, 18 et 19 mai 1996.

 4- R. Garaudy, L’Islam vivant, Maison des Livres, Alger, 1986.

Par Dr Mokhbi Abdelouahab, El watan