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Trafic du foncier en Algérie

jeudi 5 mai 2005, par nassim

La crise du logement et l’anarchie visible et criante qui caractérise le foncier en Algérie, pousse l’état algérien à agir.

Le président de la

L’Algérie doit endiguer la crise qui frappe le foncier.

République l’a dit à maintes reprises. Son Chef du gouvernement l’a inlassablement répété. L’État fera barrage, désormais, à la dilapidation du foncier et à l’urbanisation anarchique, aggravée par le trafic des permis de construire. “Il n’est plus question que les pratiques, qui sont à l’origine des dégâts urbanistiques constatés et décriés à juste titre, perdurent”, affirme le ministre de l’Habitat lors d’une récente sortie sur le terrain. Certes, il était temps que les autorités nationales se penchent sérieusement sur la gestion d’un secteur gangrené par des pratiques douteuses et un trafic aux ramifications profondes. Des enquêtes, menées par la Gendarmerie nationale dans les APC de Sidi Fredj, Birkhadem, El Achour, Khraicia et dans bien d’autres ont mis à nu des réseaux organisés de trafic du foncier et de la construction, dans lesquels sont impliqués des élus locaux et des responsables d’organisme, intervenant en amont et en aval de l’acte de bâtir.

Des certificats de conformité non conformes, des permis de construire de complaisance, de vraies fausses attestations d’attribution de lots de terrain... furent découverts par les enquêteurs de la gendarmerie aux balbutiements de leurs investigations. M. Cheni, l’ex-directeur de l’urbanisme, de la construction et de l’habitat d’Alger (Duch), a été mis sous contrôle judiciaire à cause du rôle qu’il a joué dans la délivrance d’un permis de construire non conforme au promoteur immobilier Hadji. Les faits remontent à 1999. Le promoteur immobilier dépose, auprès de la subdivision de l’urbanisme (Such) de Staouéli, une demande de permis de construire pour la réalisation d’un village touristique à Sidi Fredj, juste à côté du centre de thalassothérapie.
Il a l’ambition de construire des appartements de vacances destinés à la vente ou à la location. Les plans prévoient également des locaux de services (restaurants, magasins...). Il obtient immédiatement une autorisation d’ériger des blocs de R+3. Chérif Rahmani, gouverneur du Grand-Alger à l’époque, met en garde le Duch d’Alger (M. Cheni) lors d’une visite sur site contre le parachèvement de ce chantier non conforme aux règles urbanistiques appliquées à la zone (hauteur limitée à R+2).

Il promet de prendre des sanctions fermes si la situation n’est pas redressée rapidement. Le gouverneur quitte son poste avant de mettre ses menaces à exécution. Le projet est remis naturellement en route. En 2004, le promoteur dépose une nouvelle requête pour ajouter trois étages à ses blocs (atteindre R+6). Cette fois, c’est le Duch d’Alger en personne qui lui signe le permis de construire. Le document est enregistré à l’APC de Sidi Fredj puis remis à son titulaire. À la fin de cette année-là, les autorités compétentes instruisent la Gendarmerie nationale à ouvrir une enquête sur les conditions de délivrance de ce permis de construire en totale infraction avec les lois régissant l’urbanisme et les extensions touristiques.

La responsabilité de l’ex-DUCH avérée

Selon le colonel Ayoub, responsable de la communication au groupement national de la Gendarmerie, ses enquêteurs ont déjà bouclé leurs investigations. Ils ont transmis leurs conclusions à la justice. Pour avoir autorisé une infraction aux lois sur l’urbanisme, la responsabilité de l’ex-Duch, mis sous contrôle judiciaire, est avérée, selon des sources proches des services de l’urbanisme. “Aucune copie du permis de construire n’a été trouvée au niveau de la Duch. Pourtant, elle existe dans les registres de l’APC. Les preuves contre lui sont accablantes”, nous affirme-t-on. Les raisons ayant motivé cet acte sont préservées toutefois par le secret de l’instruction judiciaire. Il reste à savoir quel sort est réservé au chantier du promoteur Hadji, lequel a d’ores et déjà englouti des milliards de dinars ? Par la voix de son fils et d’un proche collaborateur que nous avons rencontrés dans son bureau, aménagé dans une usine de fabrication de verre à Chéraga, M. Hadji s’est montré disposé à nous livrer sa version des faits. Malheureusement, il s’est rétracté le jour du rendez-vous en s’inscrivant aux abonnés absents.
Il était tout aussi injoignable les jours suivants. Le nouveau Duch d’Alger, M. Djellaoui, n’a pas voulu aborder le sujet, se limitant à dire : “C’est à la justice de décider de l’issue de cette affaire.” Notre interlocuteur promet néanmoins de se montrer intransigeant envers les auteurs des infractions.

“Tous ceux qui ne respectent pas ou n’ont pas respecté par le passé les dispositions des lois sur l’urbanisme et la construction seront sanctionnés”, assène M. Djellaoui. Ses inspecteurs enquêtent sur deux types d’infractions : non-respect des plans approuvés par les services de l’urbanisme, autorisation de construire de complaisance et constructions illicites sur des terres appartenant à la municipalité. Dans le premier cas, la justice se saisit du dossier sur instigation des services de l’urbanisme et de l’APC. Dans le second, les autorités locales procèdent à la démolition des constructions dans un délai de huit jours. Les services de l’urbanisme au niveau de la wilaya mènent, conjointement avec la gendarmerie, des enquêtes dans plusieurs communes de la capitale (Khraïcia, Bir-Mourad-Raïs, El-Harrach, Dély-Ibrahim...).

Un coup de pied dans la fourmilière

Le coup de pied donné dans la fourmilière s’est soldé par la suspension de fonctions de plusieurs responsables de Such, dont celui de Bab-Ezzouar - il aurait signé un certificat de conformité d’une construction ne correspondant pas aux plans approuvés - et des poursuites judiciaires contre de nombreux élus d’APC. C’est le cas notamment des responsables des APC d’El-Achour et de Birkhadem. Dans cette dernière commune, 151 constructions individuelles, dont une quinzaine en état de finition, ont été bâties sur des terrains appartenant à la collectivité locale. “De faux arrêtés d’attribution de terrains ont été signés par des vice-présidents de l’ex-APC entre 1997 et 1999. L’un d’entre eux est sous mandat de dépôt”, indique le président d’APC en exercice (mandat 2002/07). Il a fallu plus de deux ans à cet élu pour parvenir à ficeler le dossier. D’autant qu’il s’est avéré difficile de convaincre les occupants des terrains de leur statut “d’indus propriétaires”. “Ils engageront certainement des actions en justice contre l’APC, mais ils ne pourront pas gagner.

Les infractions que nous avons constatées sont vérifiées”, affirme notre interlocuteur. Il nous indiquera que juste avant notre arrivée, il finalisait, avec des proches collaborateurs, le dossier qu’il transmettra au wali d’Alger. “C’est à son niveau que les décisions définitives seront prises”, précise-t-il. De l’avis des professionnels, la concentration entre les mains des élus communaux et des responsables de Such, de la prérogative de délivrer les permis de construire et les attestations d’attribution de lots de terrain a fait beaucoup de mal au secteur, ainsi gangrené par les pratiques de passe-droit et les entorses aux lois en vigueur. Les services centraux de l’urbanisme sont souvent tenus dans l’ignorance des agissements de certains de leurs représentants au niveau local ou des voix de fait dont sont coupables des élus locaux. L’entrée en vigueur de la nouvelle loi sur l’urbanisme et l’aménagement du territoire soumet l’octroi d’un permis de construire, traité par l’exécutif communal, à une validation par la direction de l’urbanisme à l’échelle de la wilaya. Elle prévoit, en outre, des sanctions très lourdes à l’encontre des contrevenants.

Il n’en demeure pas moins que les meilleures lois ne servent à rien si elles ne sont pas rigoureusement appliquées, pour reprendre la sentence de M. Boudaoud, président du Collège national des experts architectes. Pourtant, les enjeux sont importants. L’État a tout intérêt à récupérer rapidement ses terres agricoles mais aussi des parcelles de terrain qui seront destinées à la réalisation d’importants projets d’investissement. Une source proche du ministère de l’Habitat nous a indiqué qu’il existe actuellement un grand déséquilibre entre l’habitat, qui domine l’espace urbain, et les équipements de service. “Les partenaires économiques étrangers penseront à deux fois avant de venir investir en Algérie, s’ils ne sont pas assurés d’avoir des assiettes de terrain où implanter leurs équipements”.

Par Souhila Hammadi, liberte-algerie.com