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Ali Benflis, une autorité morale à Batna

Les amis du candidat brossent le portrait du secrétaire général du FLN

jeudi 25 mars 2004, par Hassiba

Dans sa ville natale, le candidat à la présidentielle jouit d’une estime que sa carrière algéroise n’a pas amoindrie, bien au contraire. Reportage chez des proches et des moins proches.

Le numéro 26 de la rue Belkacem-Benflis, père du secrétaire général du FLN, est une adresse que tout batnéen connaît parfaitement. C’est la maison où Ali Benflis, est né le 8 septembre 1944. Dans cette demeure, il a passé la majeure partie de sa jeunesse. En 1964, la famille déménage dans un autre quartier de la ville de Batna. Au deuxième étage de cette bâtisse, très spacieuse et dotée d’un grand jardin, appartenant au frère aîné, Mohamed, celui qui a pris la place du père tué par l’armée française en 1957, se trouve la chambre de Ali. Tout est encore en place. Le petit salon, la grande bibliothèque et le bureau sur lequel l’élève Benflis révisait ses cours. Trente ans après, tout est intact.

La richesse des ouvrages que recèle la bibliothèque léguée par le père, diplômé de l’université Djamaâ el Zitouna, est remarquable. On y trouve des ouvrages de théologie, d’histoire et de philosophie. Belkacem Benflis, un notable respecté dans la région des Aurès a été le président de l’association culturelle de la première mosquée de Batna et le président de la médersa de l’association des Ouléma musulmans.

Lorsqu’il parle de son frère Ali, Mohamed loue surtout sa gentillesse hors du commun, son penchant pour aider les autres et surtout son sérieux dans le suivi de ses études. “À chaque fête de l’Aïd, il offrait discrètement dix moutons. Personne ne savait d’où venaient ces cadeaux”, dit-il. Deux camarades d’enfance se souviennent encore de lui. Rouabah Hocine, commerçant âgé de 60 ans, et Fadli Mohamed, Salah, retraité du même âge également se rappellent de leurs années à l’école : “Ali aimait beaucoup les études, il était très sérieux et assidu”, affirme Fadli Mohamed, rencontré au siège de la mouhafada du FLN. Selon lui, le secrétaire général du FLN “s’est intéressé à la politique dès son plus jeune âge”. Et de préciser que “Ali ne participait pas à nos jeux et interminables parties de football.
Il était constamment plongé dans ses bouquins. Quand on passait devant la police militaire française, installée dans le théâtre de Batna, il n’hésitait pas à écrire sur le mur d’en face : vive le FLN.” Hocine Rouabah qui nous a accueilli chez lui à la rue colonel-Amirouche se souvient lui aussi que “Benflis lisait des bouquins très jeune. Contrairement à nous qui chahutions souvent les cours, Ali était un élève très attentif, calme et studieux”, ajoute notre interlocuteur. Ali Teyar, son professeur de langue arabe à la médersa Enachee El-Djadid de Batna durant les années cinquante n’en dit pas moins. Rencontré au siège de la direction de campagne du FLN, cet octogénaire garde de lui l’image d’un “élève très intelligent, studieux, attentif durant les cours et qui affectionne beaucoup la lecture. C’était aussi un élève sans problèmes, qui ne se chamaillait jamais avec ses copains en classe”, affirme l’ancien enseignant.

Ses anciens collègues du bâtonnat de Batna parlent de lui
Les batnéens vouent respect et considération à Ali Benflis. À entendre ses proches et ses anciens collègues, l’homme est pétri de qualités. Rectitude morale, sincérité, générosité, assiduité dans le travail. “Même en quittant le bâtonnat de Batna après sa désignation, en 1988, en tant que ministre de la justice, il a toujours gardé un ascendant moral sur l’ordre des avocats de l’Est algérien”, témoigne Belkacem Atamena, un avocat de 54 ans qui, comme Ali Benflis, a plaidé au barreau de Batna dans les années soixante-dix.

Me Atamena n’est pas le seul à tenir ce genre de propos sur Ali Benflis. Atamena, tout comme d’autres anciens collègues rencontrés à la direction de campagne de Batna du candidat, tous ont une haute opinion de celui qu’ils appellent “Si Ali”. “C’est un homme qui suivait très sérieusement et personnellement ses dossiers. Jamais, il n’a délégué ses adjoints pour plaider à sa place. Jamais il n’est arrivé en retard à une audience. Il n’a laissé traîné pas une affaire”, se remémore Ahmed Mokrani, un moudjahid et un des plus anciens bâtonniers de la capitale des Aurès.
“Ali n’est pas un avocat qui rassure un vis-à-vis juste pour lui plaire. Il rebutait à traîner ses clients avant de leur dire la vérité.

C’était quelqu’un de sincère. Quand une affaire est perdue d’avance, il le signifie, sans faux-fuyant à ses clients pour ne pas les laisser dans l’expectative. Et quand il estime qu’une affaire peut être gagnée, il n’hésite pas à le faire savoir à son client”, ajoute M. Mokrani. Et de poursuivre : “Quand Si Ali dit quelque chose, il ne se déjuge jamais. C’est un homme de parole”. Le métier de l’avocat, Ali Benflis ne l’a pas embrassé pour faire fortune. En témoigne sa propension à plaider des dossiers sans contrepartie financière. “Il plaidait jusqu’à 150 affaires gratuitement pour les gens de condition matérielle modeste”, affirme Ahmed Mokrani.

Le métier d’avocat est un sacerdoce. Delenda Youcef, avocat au bâtonnat de Batna et membre de l’APW explique comment Ali Benflis l’a aidé dans sa carrière professionnelle, lui qui était un simple secrétaire dans son cabinet d’avocat : “Si Ali a fait pour moi, ce que peu de gens auraient fait. Alors que je n’étais qu’un secrétaire dans son cabinet, il a tout fait pour m’encourager à reprendre mes études que j’avais arrêtées en terminale. Grâce à son soutien j’ai pu passer d’un simple secrétaire à un avocat inscrit au barreau de Batna. Et en 1991 quand il avait démissionné du gouvernement, il a fondé une société d’avocats dans laquelle il a accepté que je travaille”, témoigne-t-il.

L’autre trait de caractère du personnage que ne manquent pas de rappeler ses anciens compagnons est sa capacité à convaincre les autres. Soltani El Arbi, P/APW de Batna et avocat de profession, ne le dissimule pas. “La première fois, dit-il, que j’ai été mis en contact avec Si Ali, c’était en 1987 alors que j’étais le maire de Batna. Il était venu me voir pour me demander un local au bâtonnat régional après sa désignation de bâtonnier régional de l’est algérien. Sa façon de parler et son acharnement à me convaincre m’ont marqué. Je lui ai donné le local aussitôt. Ma surprise fut grande quand j’ai appris qu’il avait procédé personnellement à l’aménagement du local en question.”

Des actions incontestables

Procureur de la république à Batna, de 1969 à 1971 avant d’opter en 1974 pour une carrière libérale en s’inscrivant au barreau de Batna, Ali Benflis a laissé des souvenirs chez les hommes de loi qui ont eu à travailler avec lui. Ghogali Belkacem est de ceux-là. Il explique que l’opiniâtreté, la probité, et le militantisme d’Ali Benflis ont fait que ses confrères le prennent en modèle. “Le barreau de Batna, qui faisait partie du bâtonnat de Constantine, avait constamment son mot à dire grâce à Ali Benflis”, ajoute-t-il. À la fin de son premier mandat de bâtonnier en 1983, l’homme a refusé de rempiler mettant en avant le principe de l’alternance.

Belkacem Atamena se rappellera toujours de l’attitude de Benflis lorsqu’il fut sollicité pour briguer un second mandat : “lors de l’AG élective du bâtonnier, toute l’assistance s’était mise debout pour le prier de se présenter candidat à cette élection. Il a refusé notre demande”. Sa nomination comme ministre de la justice, le 9 novembre 1988 dans le gouvernement de Kasdi Merbah était en quelque sorte une consécration. Mes Belkacem Atamena, Soltani El-Arbi, Belkacem Ghogali, Delenda Youcef évoquent pêle-mêle ses actions à la tête de ce département : la réduction de la durée de la détention préventive illimitée, la suppression à la cour de sûreté de l’État qui jugeait les délits politiques, la suppression à la peine de la renégation et l’élargissement des prérogatives des avocats.
L’institution de la loi régissant les corporations des huissiers de justice, des notaires et des commissaires-priseurs fait partie également de ses actions.

Ses anciens compagnons lui attribuent aussi l’institution du statut des magistrats et du conseil supérieur de la magistrature (CSM) dont le nombre de magistrats dépassait largement celui des représentants du ministère de la justice.

N. M., Liberté