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Après la réélection de Bouteflika, quel traitement pour la crise de Kabylie ?

dimanche 11 avril 2004, par Hassiba

La réélection d’Abdelaziz Bouteflika à la présidence de la République, (re)pose avec acuité le sort qui sera réservé à cet os dur qu’est la crise de Kabylie.

Une région en rupture de ban avec lui depuis trois ans, car il y est toujours considéré comme responsable principal de la répression sanglante des événements du Printemps noir. Quel traitement accordera le président de la République à ce dossier qui, avec d’autres, a incontestablement noirci son premier mandat ? Lâchera-t-il du lest sur certaines questions-écueils (l’officialisation de tamazight, par exemple) maintenant qu’il a eu son “triomphal plébiscite” ?

Jusqu’ici, il s’est catégoriquement refusé à le faire. C’est vrai qu’il a consommé deux rounds de dialogue infructueux, le premier avec le groupe d’Allilouche et le second avec celui d’Abrika, et a accordé le statut de langue nationale à tamazight.
On peut donc penser qu’il sera tenté d’imposer sa solution à lui, maintenant qu’il peut se prévaloir, plus que jamais, de la “légitimité populaire”. Surtout qu’à la lumière de ses déclarations lors de la précédente campagne électorale pour la présidentielle, Abdelaziz Bouteflika n’est vraisemblablement pas disposé à faire un geste fort à l’endroit de la Kabylie.

À Béjaïa et à Tizi Ouzou où il s’était rendu pour des meetings électoraux, le candidat Bouteflika avait fait l’impasse sur les revendications de la population de la région se contentant d’abreuver son auditoire d’euphémismes du genre : “L’Algérie n’est rien sans la Kabylie et la Kabylie n’est rien non plus sans l’Algérie.” Bien au contraire, un tantinet provocateur et défiant, il assénera aux Tizi-Ouzouéens : “Vous avez la tête dure, moi aussi” et qu’il ne s’était pas rendu chez eux pour les “caresser dans le sens du poil”. Ce qui rappelle, à bien des égards, son fameux “jamais tamazight dans la Constitution” de 1999.
Aux animateurs du mouvement citoyen, il avait vertement rappelé que “nul n’a le droit de prendre en otage la population”. Mais pour ce qui est de la plate-forme d’El-Kseur, pas la moindre allusion. C’est au contraire à partir d’autres wilayas du pays que Bouteflika avait abordé des questions liées à la crise de Kabylie. Dans un meeting animé au stade Benabdelmalek de Constantine, le candidat Bouteflika avait soutenu que “nous sommes des Amazighs arabisés par l’islam” et que “seul l’arabe est langue nationale et officielle. Pour ce qui est du reste, au peuple de décider !” Autrement dit, tamazight ne pourrait être élevée au rang de langue officielle sans passer par un référendum populaire. Une solution rejetée de tout temps par les animateurs du mouvement citoyen, toutes tendances confondues, par des partis comme le RCD, Le FFS, le PT..., et avant eux, par le Mouvement culturel berbère (MCB).
Pour leur part, les animateurs des archs, dialoguistes ou non-dialoguistes ont déclaré Bouteflika persona non grata en Kabylie et se sont opposés à sa venue lors de la campagne électorale, le tenant pour “le commanditaire de l’assassinat des 125 martyrs du Printemps noir”. Se pose une question : Bouteflika renouvellera-t-il son appel au dialogue ? Peu probable, si ce n’est pour faire admettre définitivement aux archs qu’ils ne pourront obtenir de lui plus que ce qu’il leur a déjà concédé.

Le Chef du gouvernement lui-même a laissé entendre, vendredi, lors de sa conférence de presse, que la situation en Kabylie connaît une nette amélioration et a cité, à l’appui de ses propos, le taux de participation “largement plus élevé que celui enregistré lors de la présidentielle de 1999, alors que la crise de Kabylie n’était pas encore née”. Ahmed Ouyahia veut-il signifier par-là que la “nuisance” du mouvement des archs n’est plus à un niveau qui acculerait le pouvoir à composer avec lui ? Comment, dans ce cas de figure, les animateurs du mouvement citoyen comptent-ils continuer leur combat pour la satisfaction de la plate-forme d’El-Kseur ? Assisterons-nous à un retour à des manifestations de rue tout en sachant que le pouvoir, revigoré, ne ferait pas dans la dentelle et que, pour leur part, les archs ne mobilisent plus les foules ? Ou accepteront-ils un dialogue formel, histoire de se trouver une porte de sortie honorable ?

Toujours est-il que, pour autant, la crise de Kabylie semble promise à la durée. Il en sera ainsi, sans doute, jusqu’à satisfaction des revendications reconnues légitimes de la population de la région. Cela devra nécessairement passer par la prise en charge de ces revendications dans le cadre d’un projet national que les archs seuls ne peuvent porter.

Arab Chih, Liberté