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Bouteflika-Djaballah : Le Pen contre Le Pen

vendredi 5 mars 2004, par Hassiba

Des confrères ont analysé la liste des candidats à la présidence. Ils ont conclu à sa lecture qu’elle visait à obtenir un « tête-à-tête » Bouteflika- Djaballah au deuxième tour au cas où, pour le malheur du président-candidat, il ne passerait pas au premier tour.

Cette hypothèse postule que la peur des Algériens serait telle devant une possible victoire de l’islamiste qu’ils voteraient en masse pour Bouteflika.

Les commentateurs ont simplifié l’équation en comparant cette situation à celle du duel de Chirac avec Le Pen. Mais au regard de l’action politique de Bouteflika, en quoi est-il moins islamiste que Djaballah ?
Relisez les papiers de Leïla Aslaoui. Elle y démontre fort bien que c’est le pire des islamistes de l’éloge qu’il fait de Hattab à son utilisation éhontée des maisons de Dieu, de la religion et des sentiments religieux des Algériens encore assez naïfs pour croire que les cheikhs des zaouïas adorent Dieu plus que l’argent de Bouteflika.

Que ferait Djaballah de pire que Bouteflika ou que ferait Bouteflika de moins que le plus enragé des islamistes ?
Il a géré le pays par le feu et par le fer. Il a fait tuer des dizaines et des dizaines de citoyens, envoyé en prison un symbole d’honnêteté comme Djellouli, révoqué des magistrats comme Ras El Aïn, matraqué les enseignants, pourchassé les journalistes, transformé l’administration en une basse-cour de domestiques, frappé les députés, etc. Pour ceux qui doutent encore, l’agression dirigée contre le journal Le Matinvient nous réveiller au fait que nous avons affaire à un fasciste d’autant plus dangereux qu’il est inutile. De Hitler à Mussolini, le fascisme a représenté et défendu des intérêts de couches et de classes sociales.

Le fascisme de Bouteflika, lui, ne représente rien, rien en dehors d’une hystérie de plus en plus évidente et d’un narcissisme pathologique. Il ne peut dans le contexte mondial actuel se maintenir qu’en s’inscrivant dans une distribution des tâches décidé par les Américains et en leur offrant ce qu’ils n’ont pu obtenir des Saoudiens eux-mêmes : la privatisation des hydrocarbures.

Nous avons connu la même situation à l’indépendance quand tacitement les négociations d’Evian résumaient ainsi le compromis : aux Algériens le territoire et le drapeau, aux Français le pétrole. Dites-moi, sincèrement, en quoi son programme serait-il meilleur que celui de Djaballah ?

En ordonnant la fermeture du Matin, Bouteflika et les clans qu’il représente tuent une deuxième fois Saïd Mekbel, c’est-à-dire la résistance à l’intégrisme. Il n’est pas sûr qu’il va réussir. Des citoyens vont soutenir le journal et ils vont le soutenir sérieusement. Leur mobilisation sera-telle suffisante pour faire reculer le pouvoir ? Je l’espère.

Alors le duel éventuel Bouteflika-Djaballah ne ressemble pas et ne ressemblera pas à un duel Chirac-Le Pen mais à un duel Le Pen-Le Pen. Que Djaballah m’excuse pour la formule, je l’utilise parce qu’on a ainsi présenté la chose ! Entre un islamiste déclaré et qui n’avance pas en traître et un islamiste camouflé, je préfère de loin le combat loyal.

M.B., Le Soir d’Algérie