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Bouteflika exacerbe la crise en Kabylie

Ses derniers propos sur tamazight n’ont pas été appréciés

jeudi 18 mars 2004, par Hassiba

Les sorties médiatiques de Bouteflika et de ses hommes de main se multiplient et se ressemblent. Elles ont surtout pour spécificité un seul et unique objectif s’agissant de la Kabylie : rendre la situation beaucoup plus explosive, surtout en cette conjoncture politique particulière.

Bouteflika, toujours aussi logique à sa politique discursive, continue de maintenir, voire de nourrir le pourrissement dans cette région qui est la Kabylie, et ce, à la veille même de l’ouverture de la campagne électorale.

En effet, il n’a fait qu’élargir le fossé aux profondeurs abyssales qui le sépare de cette Kabylie frondeuse. Ce qu’il a dit à partir de Sétif l’été dernier, il l’a réitéré lundi dernier dans l’émission « Baramidj » diffusée par l’ENTV. C’est que tamazight constitue à ses yeux un danger pour l’unité nationale. Une identité, une langue deviennent ainsi un facteur de division. Voilà donc ce que pense le Président-candidat qui refuse de croire que deux langues officielles peuvent cohabiter. « Je n’ai jamais vu ça », a-t-il déclaré avant de la considérer comme une « affaire grave » qui doit être soumise à référendum. C’est cette position qui a justement conduit à l’achoppement du dialogue avec les aârouch et amené le mouvement citoyen à opter pour le rejet de l’élection présidentielle.

Dans son intervention truffée de contradictions, chose qui a suscité l’indignation et la révolte de la population Kabyle, le locataire d’El Mouradia n’a, en fin de compte, fait que réitérer une énième provocation, pour ne pas dire insulte, à l’égard de cette région qui lui tourne le dos depuis l’éclatement des évènements du Printemps noir. Après avoir tout fractionné, des organisations aux institutions, en passant par le mouvement citoyen né des évènements de 2001, qui sont de loin les évènements les plus douloureux sous son règne et la crise qu’ils ont générée, Bouteflika a lancé ce qui s’apparente à un défi à l’endroit de la Kabylie.

Avant d’annoncer lui-même dans la même émission télévisée qu’il se rendra en Kabylie pendant la campagne électorale, malgré l’avertissement des aârouch décidés à lui barrer la route, il a d’abord préparé le terrain. En effet, par l’entremise des zaouïas, du magma de redresseurs ainsi que de ses nouveaux sous-traitants politiques, en l’occurrence l’UDR d’Amara Benyounès, Bouteflika a d’abord tenté de sonder le terrain. Nous avons assisté depuis de longues semaines à un défilé de ses vizirs dans cette région.

Même en catimini, ces virées « impromptues » avaient pour mission particulière de tâter le terrain et de préparer sa visite. La nouvelle configuration politique en Kabylie, générée par la gestion de la crise qui continue de secouer la région, a conduit à un climat politique délétère. Il est principalement la résultante des manuvres menées par son homme de main, Ouyahia. Le résultat est le fractionnement des aârouch après les appels au dialogue.

Aujourd’hui, une aile de l’interwilayas appelle au rejet du scrutin du 8 avril, et l’autre à un vote massif, pour barrer la route à ce candidat. La situation se complique davantage avec la participation du RCD. Des signes avant-coureurs nous font dire que des dérapages ne sont pas à exclure. Emboîtant le pas à Bouteflika, le Chef du gouvernement vient, pour sa part, de se singulariser par une nouvelle menace. Lors d’une conférence de presse animée avant-hier au Centre international de presse (CIP), il a averti que « celui ou ceux qui poussent au pourrissement seront sévèrement punis par la loi ». L’avertissement s’adresse à d’éventuels recours aux manifestations publiques. Et la Kabylie semble être concernée en premier lieu par ce doigt menaçant.

A Tizi Ouzou, le climat est tendu. Hier, soit à la veille de la grève générale et du meeting prévu pour aujourd’hui, les aârouch, répertoriés comme « antidialoguistes » et qui ne s’opposent pas aux élections, ont lancé un contre-appel pour casser la grève. Nous assistons à un conflit « ouvert » au sein même du mouvement. Trois années après le début de la crise de Kabylie, Bouteflika aura, pour ainsi dire, réussi à tout « casser » en soufflant continuellement sur le pourrissement érigé en méthode de gestion

Brahim Boubchir, Le Matin