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Bouteflika tâte le pouls de la Kabylie sans Zerhouni

mercredi 10 mars 2004, par Hassiba

Le ministre d’Etat, ministre de l’Intérieur et des Collectivités locales, manquant, finalement, d’endurance, fléchit et rate, à Sétif, le finish de cette phase précoce de la campagne électorale du candidat-président . M. Zerhouni, terrassé par une grippe, susurre-t-on parmi le cercle présidentiel proche, n’aura cependant pas manqué quelque singulier accueil réservé à son candidat préféré.

Sétif, malgré l’investissement lourd des autorités locales, à leur tête le wali, n’est parvenue, en fin de compte, qu’à soigner légèrement le décor de campagne planté un peu partout où est allé le candidat-président auparavant. L’implication dans les préparatifs d’éléments se recrutant dans le rassemblement triangulaire hétéroclite, réunissant l’islamiste légal, Aboudjerra Soltani, le “barbéflene” Belkhadem, coiffant aujourd’hui un mouvement hors-la-loi, et l’éradicateur, du moins dans le discours, Ahmed Ouyahia, est demeurée impuissante devant atténuer de la redondance agressive des partitions folkloriques exécutées. Se pouvait-il d’ailleurs quand on sait que les troupes folkloriques appelées à se produire devant le candidatprésident sont les mêmes qui se sont produites durant toutes les escales électorales présidentielles ?

Mais de cela, le candidat-président n’a cure, visiblement. L’important, pour lui, est que, le soir venu, le tube cathodique émette, bien travaillée, l’image d’une liesse populaire, laquelle donne et entretient l’illusion d’une popularité. Par cette propagande cathodique excessive, le candidat-président, paniqué avant même que ne soit donné officiellement le coup de starter à la campagne électorale, espère, il est clair, travestir une réalité politique qui lui rappelle, à chacune de ses sorties sur le terrain, l’échec de son mandat. Un échec qui se vérifie aussi mais à travers son attitude de président rebutant ou craignant de se rendre en Kabylie.

Bougaâ, une escale-test

Le président-candidat, qui s’est offert hier matin un bain de foule sur l’artère principale du chef-lieu de la wilaya de Sétif, a osé une virée dans la daïra de Bougaâ pour, en arrière-fond politique, palper le “pouls” de la Kabylie. Il en est revenu sans être véritablement fixé. L’accueil que l’ex-ministre délégué au Trésor, M. Ali Bounouar, lui a organisé n’a été ni pour l’effaroucher ni pour le rasséréner. Il n’y a pas eu, certes, ni jets de pierres ni slogans hostiles au pouvoir, mais point d’enthousiasme non plus. Les habitants de Bougaâ étaient plutôt sortis pour réclamer le statut de wilaya au président sortant. Au grand dam des “exciteurs de foules”.

Rien dans ce que le candidat-président a vu et entendu à Bougaâ n’est pour l’aider à se résoudre à une option : se rendre ou pas dans les wilayas de Tizi- Ouzou et de Béjaïa. L’idée, dit-on, lui trottine dans la tête, le tarabuste même. Il s’en préoccuperait tellement que, laisse-t-on échapper dans son entourage immédiat, une équipe d’éclaireurs aurait été dépêchée, hier, depuis Alger, dans la région. Et, ajoute-t-on, si la prospection concluait à une possibilité pour un déplacement présidentiel, le candidat- président s’y rendrait le plus tôt possible, avant l’entame de la campagne électorale officielle. Sétif ne succombe pas forcément au geste charmeur de Bouteflika Se trompent lourdement ceux qui donnent Sétif acquise, électoralement parlant, à Bouteflika. “Il est vrai que nous sommes sortis pour voir passer le président. Mais cela ne signifie pas que nous voterons pour lui. Le jour du vote, chacun reconnaîtra les siens”, dit ce jeune, pestant la colère à cause de la soustraction de sa ville du périple présidentiel. “Il aurait pu venir constater dans quelles conditions nous vivons, au moins”, reprend son camarade.

C’est dire que ce n’est pas parce que le chef-lieu de
wilaya s’accoutre en la circonstance de ses plus beaux apparats que le Sétifien se laisse pour autant distraire, politiquement s’entend. A Sétif, les partis les plus implantés, le FFS, pour le versant kabylophone, surtout, et le FLN, pour le reste, n’ont rien perdu de leur audience auprès des populations, malgré le sape politique à leur encontre orchestré par plusieurs bords, l’administration y contribuant. “La partie n’est pas gagnée par Bouteflika, ici, à Sétif. Avec tous les concours dont il bénéficie, il aura du mal à surclasser le candidat du FLN. Ça sera, peut-être, du 50/50”, pronostique cet autre Sétifien au fait des convulsions de la scène politique locale.

Le recteur zélé

Le recteur de l’université Ferhat-Abbas, prenant la parole devant le président-candidat, pour normalement lui souhaiter la bienvenue, ne s’est pas retenu devant commettre un glissement qui non seulement l’implique lui, mais aussi l”ensemble de la communauté universitaire sétifienne dans un soutien à Bouteflika. “La communauté universitaire, les enseignants, les étudiants et le reste des travailleurs soutiennent votre candidature pour un second mandat. Ils seront tous au rendez-vous du 8 avril”, a-t-il dit.

Vive altercation entre Bouzidi et Benallègue

La guerre fait rage parmi les animateurs des comités de soutien à la candidature de Bouteflika, à Sétif. A telle enseigne que le deux figures émergentes, le député RND, M. Bouzidi, et son collègue indépendant, l’ancien directeur de l’hôtel Es Safir, M. Benallegue, se sont donnés en spectacle, hier, à l’aéroport d’Aïn Arnat, alors qu’ils attendaient à accueillir le candidat-président. Sans se soucier du reste de la composante du comité d’accueil et de la présence de la presse, les deux hommes ont eu une vive altercation verbale durant plusieurs minutes où les pires obscénités ont été débitées par l’un et l’autre. L’empoignade entre les deux parlementaires aurait pu dégénérer n’était l’intervention des chargés du protocole présidentiel.

Cette ire qu’ils se vouent a une raison : le député Benallègue, qui s’est mis à “redresser du FLN", n’a pas admis que la direction de campagne de Bouteflika à Sétif soit confiée à son collègue parlementaire Bouzidi. Une fonction qu’il pensait lui revenir de droit, lui qui s’en est investi lourdement dans la cabale anti-FLN. Bouzidi, dit-on, aurait été sponsorisé par le wali, un adepte zélé de Bouteflika.

S.A.I. , Le Soir d’Algérie