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Ce que compte faire Bouteflika en cas de second mandat

lundi 5 avril 2004, par Hassiba

C’est par un meeting à la salle Harcha qu’Abdelaziz Bouteflika terminera sa campagne. Le Président sortant aura eu quand même un mérite : il a manifesté clairement ses intentions en cas de sa reconduction pour un second mandat.

Et ce, dès ses premiers meetings électoraux. Choix d’une Constitution de type présidentiel lui accordant une concentration exceptionnelle des pouvoirs, de sorte qu’il soit affranchi de tout contrôle politico-institutionnel. Corollaire de cette conception du pouvoir, Bouteflika s’est prononcé pour une réduction du champ d’expression politique et médiatique.

« Il y aura, a-t-il indiqué, une révision de la carte médiatique et politique de l’Algérie. Celui qui sortira du cadre qui sera fixé, soit avec la plume ou bien avec la parole, s’exposera à de sévères sanctions. » Et d’indiquer son opposition à la création de nouveaux partis politiques. Le chef de l’Etat s’est également prononcé de la manière la plus claire contre une ouverture du champ audio-visuel : pas de télés ni de radios privées, les Algériens sont invités à se contenter d’une seule chaîne de télévision. Sur le plan politique, ses propos sont également on ne peut plus clairs quand il prône la concorde nationale, une proposition derrière laquelle se profile la remise sur orbite de l’ex-FIS sous une autre appellation. Enfin, pour Bouteflika, il n’est pas question de lever l’état d’urgence.

En résumé, tout au long de cette campagne, le chef de l’Etat s’est exprimé de la manière la plus claire pour un projet de société islamo-conservateur, de type autoritaire, fondé sur la négation des libertés d’expression et de la presse et d’une réduction du pluralisme politique. Bouteflika est bien le seul candidat à ne pas s’être prononcé pour un renforcement de la démocratie et des libertés.
La violence de ses interventions durant la centaine de meetings qu’il a tenus, ciblant de préférence les démocrates et les journalistes, s’inscrit en droite ligne de sa conception antidémocratique en matière de gestion de l’Etat et de la société.

Point de mire de ses attaques, la presse et les journalistes. La presse indépendante est accusée de donner une mauvaise image du pays à l’étranger. Ses écrits sont « des actes terroristes ». « Elle nous a fait beaucoup de mal et les journalistes sont des mercenaires qui tuent avec leur plume () C’est une presse qui travaille au profit de cercles étrangers qui ne veut pas le bien pour l’Algérie et pour ce peuple », « formée de mercenaires au service des ambassades et des services spéciaux », égrène-t-il au fur et à mesure des meetings qu’il anime. Avant d’asséner que ces journalistes « ne croient ni en Dieu ni en son Prophète ». Bouteflika désigne l’ennemi à abattre. Dans le genre islamo-populiste, Abassi Madani n’aurait pas fait mieux.

L’islamo-nationalisme et la réconciliation avec l’islamisme politique et radical sont une autre constante de ses interventions. « Je puise mon programme du Saint Coran », affirme le Président sortant. Pourfendant les laïcs, qualifiés d’« intégristes qui refusent d’admettre que l’islam est la religion de tout un peuple », critiquant Zeroual d’avoir « mené le pays à la guerre civile au nom de la démocratie », il qualifie les islamistes d’« amis égarés qu’il a réussi à convaincre de reprendre le droit chemin ». Pis, les dix années de violence qu’a connues l’Algérie ne sont pour Bouteflika qu’une « guerre civile entre, d’un côté, les laïcs et les démocrates qui utilisent des plumes empoisonnées et, de l’autre, des islamistes qui sont venus avec des traditions étrangères aux Algériens pour tuer et violer » mais qui « malgré tout restent des Algériens ». A l’égard de ces « Algériens », pas un mot de trop. Bien au contraire, Bouteflika se vante d’« avoir les moyens de ramener les plus récalcitrants sur le droit chemin ».

Les zaouïas, les mosquées sont appelées à la rescousse, des ex-« émirs » de l’AIS participent comme invités à ses meetings. L’usage de la religion à des fins politiques n’est donc pas l’apanage du seul Djaballah. Jouant sur tous les registres, Bouteflika convoque Abane Ramdane, transformé l’instant d’un meeting en réconciliateur, tout en faisant l’impasse sur le Congrès de la Soummam (1956) qui s’est prononcé contre l’instauration d’un régime théocratique.

Dans l’Est algérien, c’est Houari Boumediène qui est à son tour invoqué par le Président sortant, alors que, par ailleurs, il s’apprête à privatiser les hydrocarbures que ce même Boumediène a nationalisées en 1971 !

Dénationalisation du secteur de l’énergie, ultralibéralisme, projet politique islamo-nationaliste, révision de la Constitution avec en toile de fond la remise en cause du pluralisme et des libertés, tel est le programme à la Ben Ali plus l’islamisme que veut concrétiser Abdelaziz Bouteflika en cas d’obtention de second mandat. Et il ne s’en cache pas.

Les Algériens sont donc avertis.

Hassane Zerrouky , Le Matin