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Code de la famille : Le ouali, une polémique inutile

mardi 24 août 2004, par Hassiba

Les réformateurs du code de la famille ont estimé devoir abolir l’obligation du ouali pour la validité du mariage de la femme.

Le ouali tierce personne qui donne ou exprime le consentement pour le mariage d’une femme majeure ou mineure.

Règle religieuse et/ou tradition séculaire (?) sa présence et son aval est une condition de validité du mariage. Dans l’exposé des motifs, il est affirmé que cette obligation est un usage algérien ; ce qui est complètement faux, cette règle est observée dans toutes les terres d’Islam et d’ailleurs. A y voir de plus près et plus au fond, le mariage en Algérie est soumis à un double régime ou plutôt à deux régimes différents (religieux et civil) car les deux types de mariage sont distincts et rien n’empêche qu’ils soient conclus séparément et l’un sans l’autre. Le mariage religieux qui consiste en une Fatiha cérémonie rituelle où est exprimé l’échange de consentement entre l’époux, son ouali et le ouali de l’épouse en présence d’un imam et de deux témoins mâles, ou un homme et deux femmes. Le mariage civil est la signature à la mairie de l’acte de mariage par les deux époux et son enregistrement à l’état civil.

Le problème du ouali se pose donc uniquement dans la Fatiha où celui-ci est requis.
Les deux mariages, ainsi qu’il a été précisé, peuvent être conclus séparément. Si les deux parties se limitent à la Fatiha, nous sommes en présence d’un mariage coutumier, situation plus fréquente qu’on ne croit et qui pose d’énormes problèmes que la réforme n’a malheureusement pas pris en charge. Le mariage civil sans la Fatiha est une situation possible, mais à notre connaissance inexistante. En théorie et en fait, rien n’empêche deux époux de signer l’acte d’état civil sans la Fatiha.

Une circulaire émanant du ministère des Affaires religieuses a sommé les imams d’exiger l’acte d’état civil pour prendre la Fatiha. Circulaire complètement contraire à la loi et aux règles religieuses, et puis si une règle pareille doit être introduite, elle doit l’être par un texte de loi et non par une directive émanant d’un ministre qui se surprend ainsi à légiférer. A l’inverse, le mariage civil peut être conclu sans le mariage religieux, car l’officier d’état civil ne s’inquiète pas et n’a ni le droit ni l’obligation de s’assurer de la tenue de la Fatiha pour faire signer l’acte de mariage par les époux et l’enregistrer à l’état civil. La présence du ouali et son exigibilité est ainsi une condition de validité du mariage religieux et non du mariage civil.

Il nous semble important de signaler que la traduction française de ouali par « tuteur légal » est impropre, il en est ainsi de certains notions qui définissent une entité ou une situation propre à une société donnée et qui ne trouvent pas d’équivalent dans une autre langue. Le tuteur, par définition, décide au lieu et place d’un incapable, il est ainsi doté d’une volonté propre qui peut être contraire à celle du pupille. C’est peut-être cette traduction imparfaite, infidèle et impropre qui sème le doute et la confusion dans l’esprit des Occidentaux non avertis. Le ouali par contre au sens de la charia n’est que le représentant et le mandataire de la mariée ; il ne peut en aucun cas exprimer une volonté contraire à la sienne ou l’obliger au mariage. Le juge peut aussi se substituer au ouali qui s’oppose au mariage qui va dans l’intérêt de sa pupille. Le statut du ouali est ainsi qu’on l’a vu réduit à une sorte de portion congrue ; un rôle purement protocolaire à la limite du symbolique.

On ne voit donc vraiment pas pourquoi provoquer une polémique pour une règle qui n’est pas réductrice du statut de la femme ni une limitation à sa liberté de mariage et à sa souveraineté et à laquelle adhère l’ensemble social. Il est notoire qu’en plus de son caractère religieux indiscutable, cette règle est aussi ancrée dans nos coutumes et acceptée par notre culture. La fille nubile mariée de force par son père n’est qu’une vue de l’esprit, un homme acceptant d’épouser une fille non consentante mais forcée par son ouali est aussi une autre vue de l’esprit. On voit mal une fille, une femme, vieille ou jeune, se marier sans ouali » donc sans famille, sans attaches, sans protection sans harma pour utiliser une formule bien de chez nous. On voit mal aussi un homme consentir ou préférer épouser une femme sans la demander à son père ou aux siens. On demande la main de la fille à son père et pas seulement chez nous.

Même dans le mariage chrétien ou les époux expriment leur consentement personnellement devant le curé, c’est dans le bras de son père ou de son parrain que la mariée vient vers son futur époux. Par ailleurs, la charia a simplifié la détermination du oualli et la fille qui n’en a pas peut déléguer un des croyants faute de quoi le juge est le ouali de celui qui n’en a pas. Cette élimination de la condition d’un ouali va déclencher une mauvaise polémique où les défenseurs d’un code intégriste auront le beau rôle et la partie belle, car défenseurs de l’authenticité. C’est aussi une polémique inutile car le ouali n’est pas une aliénation de la volonté de la femme ni une consécration de son infériorité puisque sa volonté demeure souveraine en dernier ressort.

Ce chapitre risque de déclencher une controverse qui escamotera la réforme. D’autres questions plus graves ont par contre été éludées.

Par Nasredine Lezzar
Avocat, El Watan