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Disparus kidnappés par les terroristes islamistes

samedi 13 mars 2004, par Hassiba

Le silence incompréhensible des pouvoirs publics finit par peser plus lourdement que la gravité du drame humain que vivent les familles des disparus, kidnappés par les groupes armés islamistes, qui n’arrivent pas à faire leur deuil.

Pour la nième fois, lors d’une conférence de presse organisée hier à la Maison de la presse, les responsables de l’association Somoud, MM. Ali Merabet et Adnane Bouchaïb, lancent un appel pressant aux autorités pour qu’elles prennent en charge, une fois pour toutes, un des dossiers brûlants de l’après-janvier 1992.

Déjà que ce dossier n’a bénéficié d’aucune attention particulière de la part des autorités, les déclarations de Me Ksentini, président de la Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l’Homme (CNCPPDH) et du comité ad hoc chargé de la question des disparus, faites le vendredi 5 mars lors d’une émission à la radio Chaîne 3, n’ont fait que rendre le problème encore plus compliqué.

Ali Merabet et Adnane Bouchaïb, respectivement président et secrétaire général de Somoud (association agréée qui revendique 10.000 disparus), se disent stupéfaits d’entendre Me Ksentini déclarer que le comité ad hoc chargé de la question des disparus (installé en septembre dernier par le président de la République) « n’allait pas s’occuper des disparus kidnappés par les terroristes ». Cette attitude est traduite, à juste titre, comme l’expression d’un « mépris des autorités envers notre problème ». Les orateurs ne comprennent pas cette discrimination et estiment qu’il est du devoir de l’Etat de veiller à ce que ces familles puissent savoir la vérité sur leurs proches, les circonstances de leur mort, les endroits où ils ont été enterrés, afin de pouvoir faire leur deuil.

Le premier souci de l’association « est de pouvoir identifier les ossements qui se trouvent dans des charniers », a expliqué M. Merabet. Le président de Somoud ne cache pas qu’au début de la promulgation de la loi portant « concorde civile », « les familles des disparus kidnappés par les terroristes islamistes avaient espéré que les repentis allaient enfin donner des indications sur les circonstances de la mort de leurs proches et les lieux de leur enterrement ». Mais, explique-t-il, « la tournure prise par la concorde civile qui s’est transformée en amnistie, a ruiné tous nos espoirs ». « Les commissions de probation sur lesquelles nous avions fondé nos espoirs de connaître la vérité n’ont jamais fonctionné », ajoute Ali Merabet. Adnane Bouchaïb expliquera à son tour comment « un terroriste repenti et de surcroît aveugle a pu donner des indications sur l’endroit où a été enterrée la petite Bellal Samira dans un charnier situé à Sidi Moussa ».

Les deux orateurs ne comprennent pas également que « l’Etat refuse d’ouvrir certains charniers », ou qu’il en ouvre d’autres de manière « totalement inhumaine » et parfois « dans le silence complet ». Ils ne comprennent pas non plus « le silence de la justice devant les plaintes déposées contre des terroristes devant le juge d’instruction ». « L’Etat a-t-il quelque chose à se reprocher ? », s’interroge Ali Merabet.

Ce dernier constate que depuis 1999, le dossier des disparus kidnappés par les terroristes n’a pas du tout avancé. Il ne veut pas que « le prochain mandat présidentiel soit une réédition du précédent ». « Ce n’est pas pour autant, précise-t-il, que nous allons exprimer notre soutien à l’un ou à l’autre des candidats aux présidentielles, mais nous voulons que leurs programmes prennent en charge toutes les causes, y compris la nôtre ». Somoud a déjà rencontré le candidat Ali Benflis, « qui a montré sa disposition à prendre en charge ce problème s’il était élu », expliquent les responsables de l’association qui attendent de pouvoir rencontrer les autres candidats.

Les responsables de Somoud se disent prêts à mettre leur expérience dans ce dossier et font état également de la disposition de certaines organisations internationales pour aider à l’ouverture des charniers de manière scientifique et pour procéder à des analyses ADN sur les ossements. Ils souhaitent également la mise en place d’une « commission spécialisée consacrée à tous les disparus ».

Mohamed Mehdi, Le Quotidien d’Oran