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En finir avec la dictature de Bouteflika

jeudi 8 avril 2004, par Hassiba

Le processus de fin de règne de Abdelaziz Bouteflika est entamé depuis ce matin. Une fin de règne sans gloire pour un président qui, pourtant, avait tout pour réussir. Certes, mal élu, Bouteflika prenait en revanche les rênes du pays, un certain 27 avril 1999, dans une conjoncture tellement favorable que l’échec ne lui était pas permis.

L’armée, qui lui avait déroulé le tapis rouge, le confortera à El-Mouradia avec, en prime, deux cadeaux inespérés. Avec la “complicité” bienveillante de Liamine Zeroual, le “moins mauvais des candidats” à l’élection du 15 avril 1999 héritera de deux dossiers ficelés et finalisés avant même qu’il soit choisi par l’ANP, fin 1998 : le dossier portant dispense de service national ainsi que le projet portant concorde civile. Le déficit de légitimité, le nouveau président algérien d’alors le compensera alors par l’effet d’annonce de la première mesure et, par la suite, via le référendum du 16 septembre 1999 sur la loi portant concorde civile. Au plan sécuritaire, l’armée avait quasiment anéanti, avant l’accession de Bouteflika au pouvoir, les maquis terroristes du FIS. Et pour paraphraser l’ancien chef de gouvernement sous Zeroual, un certain ... Ahmed Ouyahia, “le terrorisme était résiduel” NDLR : février 1998 devant les députés à l’APN).

Au plan politique s’était par ailleurs formée autour de Bouteflika une large coalition partisane avec ce luxe d’y compter le plus grand et le plus crédible des partis démocratiques algériens, le RCD. Au plan économique, les marchés pétroliers flambaient tandis que l’Algérie avait déjà dans le rétroviseur la phase noire des conditions drastiques du FMI et de la Banque mondiale. Les capitales qui comptent commençaient, elles, à jeter du lest, notamment à partir de 1995 et le départ de la gauche française du pouvoir avec Mitterrand.

Le “qui-tue-qui ?” était encore, certes, ravageur mais l’hostilité à l’égard d’Alger baissera en intensité avec, en outre, le tournant décisif qu’était l’élection présidentielle du 16 novembre 1995. Arrivé dans de telles conditions, Bouteflika donnera de sa personne une image franchement inégalable, jusque-là. Les Algériens découvriront agréablement en ce mémorable été 1999 un président qui parle bien, souvent, et qui dit de très bonnes choses en plus. Le discours de ce Bouteflika-là hypnotisera le pays : l’homme promettra une école moderne, une justice réformée, un Etat moderne, prospère et décomplexé, une guerre sans merci à la corruption et au terrorisme. Aussi les forces islamo-baâthistes avaient, en lui, une redoutable bête noire.

Mais alors que l’Algérie commençait à rêver, Bouteflika montrera son vrai visage à partir de janvier 2000. Depuis cette date le pays sombrera dans un véritable cauchemar. Ainsi la “concorde civile”, censée achever politiquement le terrorisme islamiste, deviendra, dès le 12 janvier 2000 à 20h00, amnistie générale à tous les assassins et égorgeurs du FIS, repentis ou encore en activité !

Un sinistre terroriste comme cet animal de Hassan Hattab sera qualifié par le président algérien de “valeureux combattant”, et l’arrêt salutaire du processus électoral de décembre 1991 de “première violence”. Belkhadem et Amimour, la négation personnifiée même de la démocratie, de la modernité et de la tolérance, seront ressuscités et promus ministres dès août 2000. En janvier 2001, Abdelaziz Bouteflika explicitera davantage son projet pour l’Algérie. A partir de Batna, il lancera son fameux projet de “concorde nationale”, c’est-à-dire la réhabilitation du FIS. L’homme tire à boulets rouges sur tout ce qui symbolisait la résistance nationale contre le terrorisme en même temps qu’il s’acoquine avec les pires fossoyeurs du pays. Il s’érige carrément en porte-parole officiel de sa grande famille politique du “qui-tue-qui ?” !

A l’époque déjà, le président algérien n’avait qu’une seule priorité : s’assurer un second mandat ! Ce qui donnera lieu à un délire qui menacera, à terme, les fondements mêmes de la nation algérienne. Jouissant d’énormes pouvoirs que lui procure la fonction, Bouteflika tire sur tout ce qui bouge. Il soumettra l’Algérie à un terrible choix entre la soumission et l’allégeance ou le bâton et l’épée de Damoclès. Tel un prince médiéval, le génie et la noblesse en moins, Bouteflika s’entoure d’abord de membres de sa propre famille au cabinet présidentiel et d’éléments de sa propre tribu qu’il place aux départements ministériels les plus sensibles, à la tête des sociétés nationales les plus névralgiques, dans l’administration, dans le corps diplomatique ou alors les médias étatiques ou semi-étatiques.

La guerre pouvait alors commencer ! Une région, la Kabylie, réputée pour son allergie historique à tout ce qui émane du pouvoir central, ne voterait pas pour lui en 2004 ? Il la mettra à feu et à sang et la plongera dans un désordre sans précédent depuis 2001. Des victimes, 124 morts et des milliers de blessés, deux fractures sociale et raciale “extrêmement dangereuses” pour la cohésion nationale est la facture que payent la région et l’ensemble du pays à la mégalomanie et à la maladie du pouvoir de Bouteflika. La presse ne lui fait pas les louanges dûs aux souverains du moyen-âge ? Il invente une nouvelle façon de faire la presse et un nouveau journalisme. Une contre-presse parapublique, créée et entretenue avec l’argent du contribuable par le frère conseillé du président, pollue la scène médiatique nationale depuis 2002.

Ce, alors que les titres de la presse nationale, la vraie s’entend, subissent les pires harcèlements (judiciaires, fiscaux, etc.). L’exemple de la presse est, par ailleurs, symptomatique de l’état d’esprit du personnage qui préside l’Algérie depuis 1999. De la même façon qu’il a essayé de “cloner”, vainement, la presse algérienne en essayant de lui substituer des publications insignifiantes et de nul effet, Bouteflika consacrera la dernière année de son règne à une seule activité. Celle de cloner le FLN. L’ex-parti unique qui s’est métamorphosé, modernisé et a su s’adapter à son nouvel environnement, ne cautionnera pas Bouteflika ? Ce dernier charge son frère d’une mission pour le moins inédite dans les annales politiques : mettre en place un mouvement hors-la-loi, au-dessus de la loi qui utilise les moyens de l’Etat jusqu’à l’abus et qui s’empare d’autorité du sigle d’un parti. Des “verdicts de justice” seront rédigés en dehors des tribunaux et prononcés au-delà de minuit !

Tout cela pour que Belkhadem et le millier d’opportunistes qu’il chapeaute organisent un congrès ... d’étape au nom du FLN et annoncer leur soutien à Bouteflika. L’armée, cette seule force capable de faire cotre-poids à la tribu au pouvoir depuis 1999, est susceptible de “décevoir” en 2004 ? Bouteflika en fait une priorité depuis des années, au point de commanditer un ignoble complot contre Khaled Nezzar à Paris. Ou de lancer en avril 2004 un peu honorable “toutes les vérités ne sont pas bonnes à dire” à propos d’un massacre terroriste perpétré en 1995.

Les sondages ne sont pas favorables ? L’argent du contribuable, l’ENTV, El Moudjahed et l’ensemble de leur pâle copie de la contre-presse s’en chargeront. Comme en effet “toutes les vérités ne sont pas bonnes à dire”, tous les sondages qui, unanimes, donnent Bouteflika pour perdant dès le premier tour, sont tus ou honteusement inversés et “corrigés” à coups de millions en dollars par Bouteflika et les siens. Le tout dernier sondage confidentiel, dont les résultats ont été finalisés lundi dernier, donne la vraie cartographie politique de l’Algérie du 8 avril. Benflis arrive en tête des intentions de vote des Algériens avec 52%, loin, très loin devant Bouteflika qui n’arrivait toujours pas à faire mieux que Louiza Hanoune, quatrième, elle, jusqu’à lundi dernier.

K.A., Le Soir d’Algérie