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Hassan Hattab a été exécuté par ses lieutenants

mardi 11 mai 2004, par Hassiba

« J’ai vu Hassan Hattab de mes propres yeux mort, inanimé dans une mare de sang, tué de plusieurs balles tirées à bout portant dans la tête et le thorax. »

« Cela s’est passé à la fin de l’été dernier dans les maquis de la Kabylie à la suite d’une prise des commandes par les ultras du Gspc, principalement le groupe de l’Est, appuyé par des anciens chefs, tels Ammari Saïfi, Nabil Sahraoui et Abbi Abdelaziz. Les appuis de la Kabylie, tels Saâdaoui Abdelhamid dit Abou El Haïtham, ont été mis en minorité et isolés, et il y a fort à craindre que l’équipe de Nabil Sahraoui, au vu de ses tendances takfiries, ne verse dans les tueries du style GIA. »

Cet aveu émane d’un ancien du Gspc qui a rejoint les maquis de l’Est, avant de « descendre » et réintégrer la vie civile, il y a quelques mois. L’information de la mort de Hassan Hattab, fondateur et émir incontesté du Gspc depuis sept ans, a été diffusée il y a un peu plus de deux mois parmi les membres du Gspc du Centre, et justifiée par le fait qu’il s’est rendu coupable de trahison et d’hérésie (« el-khiyana wal ibtidaâ »), sans que ces deux « chefs d’inculpation » soient étayés d’arguments.

L’information brute valait ce qu’elle valait et nous attendions qu’elle soit éclairée d’un jour nouveau. Les derniers communiqués du Gspc signés par Nabil Sahraoui, pour le Nord, et Amari Saïfi, pour le Sud (prenant ainsi l’espace privilégié de Mokhtar Belmokhtar), renseignaient sur l’exclusion de Hattab, mais faisaient l’impasse sur tout ce qui concernait l’émir destitué, « afin de ne pas perturber l’esprit de guerre des hommes à un moment jugé crucial de la vie de l’organisation », qui commence à accuser de graves fissures de ses structures armées.
Notre source ajoute que, après cette liquidation physique du chef du Gspc par ses pairs, qui représente, en fait, l’aile radicale et jusqu’au-boutiste de l’organisation, les maquis de la Kabylie n’ont pas « marché » derrière la nouvelle direction.

De son vivant, Hattab y a placé ses principaux hommes de confiance et certains de ses parents par alliance, lesquels aujourd’hui « continuent à fonctionner, au niveau local, notamment à Tizi Ouzou et à l’est de Boumerdès, comme si rien n’a changé, de telle sorte que, aujourd’hui, fonctionne avec une direction tricéphale ».
Dans son édition d’hier, le quotidien arabophone Es-Sabah fait vaguement allusion à la mort de Hattab, « qui aurait été liquidé par une faction composée de radicaux du Gspc ».
Il se peut que la raison de cette liquidation se trouve dans « les négociations que Hattab aurait engagées avec les autorités en 2000 et 2002 », selon certaines sources. Cependant, il semble qu’il faille chercher ailleurs, car Hassan Hattab a, par trois fois, rejeté toute concession et refusé tout rapprochement avec les autorités. Les fameux « trois non » (« ni dialogue, ni trêve, ni réconciliation avec les apostats ») ont toujours émaillé ses communiqués. Dans un communiqué, diffusé au début de 2 002, il apporte un démenti à l’information donnée par L’Expression et reprise par Médi-1 et qui faisait état d’une négociation secrète entre le Gspc et les autorités pour aboutir à une trêve.

En fait, Hassan Hattab a toujours souhaité une négociation à ses conditions, qui le placerait en pole position et permettrait à ses hommes de quitter les maquis en héros. En 1999, une médiation menée par Hachemi Sahnouni dans les maquis kabyles avait failli aboutir. En dernière minute, de son plein gré ou sous la pression des ultras, il se rétracte et affirme « ne pas faire confiance aux autorités ». « Ceux qui sont descendus avant moi ont été pour certains malmenés ou remis en prison pour d’autres », a-t-il fait entendre à Hachemi Sahnouni.
Entre-temps, et suite à un large débat entre intellectuels du Gspc et des exégètes orientaux, saoudiens notamment, c’est toute la Katibat el Ghoraba d’Ahmed Jabri, stationnée à Lakhdaria, qui quitte les maquis et met fin aux hostilités. Hattab était bien au courant de cette trêve mais avait laissé faire.

Le parcours du « combattant

Hassan Hattab est né le 14 janvier 1967 à Rouiba, à une quinzaine de kilomètres à l’est d’Alger. Adepte des arts martiaux, il fait beaucoup de sport mais échoue au bac. Il effectue son service national à l’école des troupes aéroportées de Biskra. C’est là qu’ils se lie avec Amari Saïfi et Abbi Abdelaziz, qui deviendront ses deux lieutenants et auront comme nom de guerre « Abderezak El Para » et « Okacha El-Para ».

Il quitte l’armée en 1989 et subit de plein fouet la poussée de fièvre islamiste. Mécanicien à l’hôpital de Rouiba, il adhère au FIS et prend le maquis en 1992. Il adhère au GIA, mais travaille sous la férule de son oncle Abdelkader Hattab, dit Mouloud, qu’il tuera en 1994 sous l’instigation de l’émir Abou Abdellah Ahmed.
A partir de cette année-là, il est le chef de la zone 2 et dirige les maquis kabyles. En mai 1994, il est promu au rang de membre permanent du majliss échouri du GIA. A partir de 1996, il commence à prendre ses distances du GIA et deux ans plus tard, en septembre 1998 après avoir structuré son groupe, le Gspc, il fait scission avec Antar Zouabri et proclame la création du Groupe salafiste pour la prédication et le combat.

Autoproclamé champion du salafisme, il dote le Gspc d’un règlement intérieur d’une extrême rigueur et mène lui-même un nouveau genre de combat : les attentats ciblés. Il tente de séduire la Kabylie en prenant garde de ne toucher à ses citoyens. Sa « stratégie des symbiose » est d’autant plus efficace que la région vit de profonds troubles politiques et sociaux qui limitent le champ d’action des services de sécurité. Prenant pied dans les forêts denses de Mizrana, Boumehni, Sidi Ali Bounab et Takhoukht, les cols et le massif montagneux de Djurdjura, le Gspc s’enracine dans la région, étend ses troupes à l’est de Boumerdès et à tout l’est du pays.

La stratégie des groupuscules

Fort de 380 hommes, selon un rapport des services spéciaux, il suit avec intérêt la « neutralisation » des services de sécurité dans la région : « cantonnement » des militaires, « délocalisation » de la Gendarmerie nationale et l’articulation de la police autour des grands axes urbains, des édifices publics et son occupation quasi permanente à disperser les émeutiers.
Les embuscades contre les détachements militaires permettant au Gspc de se doter d’armes de guerre lourdes, en plus des arsenaux de guerre acheminés vers les maquis du centre et de l’est du pays, par MBM, depuis le Mali, le Niger et le Tchad où prospère le commerce d’armes. Hattab, au contraire de Layada, Gousmi, Zitouni et Zouabri qui, tous, ont écrit des opuscules théologico-politiques, ne s’encombre pas de littérature. C’est un guerrier et entend le rester : il écrit son « art de la guerre », qu’il distribue à toutes la katibates.
Rusé et fin stratège, s’appuyant sur l’expérience d’anciens parachutistes déserteurs ou révoqués, d’anciens artificiers, sur l’argent et sur une efficace « stratégie de symbiose », il a pu ancrer son groupe dans le centre, l’est et le sud du pays. Les ralliements dont il a bénéficié à l’Ouest, font du Gspc, aujourd’hui, la plus redoutable machine de guerre encore en fonctionnement.
Hattab mort, il semble que c’est toute cette structure, qui a mis tant de temps à se structurer jusqu’à prendre une envergure nationale en une phase fort défavorable, qui va sceller l’éclatement du Gspc. En effet, le plus gros des troupes, bien armées et structurées, qui occupent la Haute-Kabylie ainsi que le sud d’Alger, refuseraient sans doute de faire allégeance (moubayaâ) à celui qui se présente actuellement comme émir national de ce groupe terroriste, Nabil Sahraoui en l’occurrence.

Véritable « seigneur de la guerre », qui a su manier l’art de l’organisation la plus chevronnée qui soit, entouré par quelques déserteurs de l’élite militaire algérienne, il semble qu’il ait gardé assez de fidèles capables de tenir tête aux irréductibles de l’Est, dont la tendance, fort éloignée de la « salafiya », tende vers « El-hidjra oua takfir ». Les observateurs, au fait des maquis islamistes craignent que cette scission, dont les premiers effets commenceraient à se faire sentir incessamment, ne pousse Sahraoui et ses hommes, à la tête des maquis de l’Est, à recourir aux terribles méthodes expéditives du tristement célèbre GIA.

Les « maquis » du Sud, quant à eux, semblent en passe de prendre leur autonomie. Plusieurs raisons abondent dans cette thèse. La première c’est que seul un homme comme Hattab, véritable meneur d’hommes, qui compte à son actif plusieurs attentats spectaculaires, notamment dans les monts de Mizrana et Sid-Ali Bounab semble être le seul capable de rassembler des groupes aussi hétéroclites.
Ce n’est pas tout. La prise des otages européens, avec toutes les conséquences qu’on lui connaît, a été dévastatrice pour ces « katibates », forçant El-Para à quitter son fief « chaoui », où il régnait en « maître » absolu. Abderrezak El-Para avait été forcé de rejoindre Mokhtar Ben Mokhtar et de prendre la tête des opérations. Ce dernier, abattu lors de l’opération menée par les militaires tchadiens alors qu’il tentait d’acheminer des armes vers les maquis du nord, a laissé seul El-Para, aux prises avec une « coalition » armée formée par plusieurs pays, coordonnée par les services secrets américains. Des moyens de surveillance importants avaient été déployés dans la zone sahélienne, qualifiée de « grise », étendue au sud de l’Algérie, sur les vastes étendues désertiques du nord du Mali.
El-Para, contraint à la défensive, recherchant désespérément de nouvelles alliances, a fini par être fait prisonnier.

Un des membres du Gspc actuellement détenu dans le Tibesti (nord du Tchad), répondrait au nom de guerre de « Abou Haïdara », un des surnoms d’Amari Saïfi, dit aussi Abderrezak El-Para, numéro 2 présumé du Gspc, a en effet confirmé hier un diplomate africain à Bamako. « Le Mdjt (Mouvement pour la justice et la démocratie au Tchad), qui détient actuellement des membres du groupe islamiste armé algérien, a communiqué à deux pays africains plusieurs appellations d’islamistes qui sont entre ses mains, et parmi ces noms figure celui d’Abou Haïdara, un des nombreux surnoms du chef-adjoint du Gspc », a déclaré à l’AFP le diplomate africain qui a requis l’anonymat. El-Para aurait été notamment distingué des autres islamistes armés algériens par la déférence que les autres prisonniers manifestaient envers lui, a précisé le diplomate. « Des pays africains ont clairement fait savoir aux responsables du Mdjt que pour prouver qu’ils ne sont pas des terroristes, ils doivent, sans contrepartie, livrer immédiatement tous les membres du GSPC qu’ils détiennent », a-t-il poursuivi.
Ce qui reste du Gspc, indiquent des sources sécuritaires, laminé par les redditions et les coups de boutoir des services de sécurité, ne disposant plus d’une direction unie, devrait se déployer en groupuscules quasi autonomes, extrêmement mobiles, dont certains, rapportions-nous dans une précédente édition, ont même commencé d’infiltrer la capitale.

Le Gspc, qui sent son heure approcher en tant que groupe terroriste capable de tenir des maquis depuis l’élimination de Hattab, sait bien que sa seule chance de « survie médiatique », réside dans les attentats urbains, notamment dans l’Algérois.

Par Fayçal Oukaci et Mohamed ABDOUN,l’Expression