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La colère monte un mois après la réélection de Bouteflika

mardi 18 mai 2004, par Hassiba

Un mois à peine après la réélection de Bouteflika à la tête de l’État, le plébiscite annoncé apparaît dans toute sa fausseté.

Les 85 % de suffrages, qui lui ont été officiellement attribués, se révèlent comme un chèque en bois.
Avec de surcroît une signature trafiquée. Si le peuple avait voté aussi massivement et avec autant d’enthousiasme qu’on l’a dit, il n’en serait pas aujourd’hui à s’exprimer avec autant de fureur. Le premier mandat du président Bouteflika a été émaillé d’émeutes comme jamais le pays n’en avait connues auparavant.

De l’Est à l’Ouest et du Nord au Sud, aucune région du pays n’a été épargnée par ces jacqueries ayant affecté même des villes connues pour leur calme et leur tranquillité.
À l’instar de Djanet, pour ne citer en exemple que cette oasis de paix. Phénomène nouveau, les villes sahariennes ont rejoint le train de la contestation qu’elles ont toujours vu s’ébranler avec désapprobation.
De plus en plus, elles revendiquent un minimum de justice concernant la répartition des ressources extraites du territoire où elles résident. Les richesses du sous-sol sont certes une propriété de l’État.
C’est une disposition de la Constitution que personne ne remet en cause. Mais les habitants de ces contrées ont l’impression d’être des laissés-pour-compte.

Comment ne pas se laisser gagner par ce sentiment lorsque le pétrole et le gaz produits ici sont exportés à des milliers de kilomètres sans pénétrer dans les foyers sahariens ? Lorsque les emplois offerts par les entreprises étrangères de plus en plus nombreuses à investir ne profitent pas aux populations locales ? Lorsque l’État a abandonné son rôle social ? Pendant des mois, M. Bouteflika a sillonné le pays emportant dans sa hotte des milliards de dinars puisés dans une cagnotte “indétectée” par les députés. Ont-ils été semés au vent ? C’est la question qu’il est convenu de se poser aujourd’hui. Si les effets n’en sont pas visibles, c’est bien que ces milliards n’ont pas été alloués au développement. Mais tout simplement à la préparation du second mandat de Bouteflika. Cela voudrait dire que les montants distribués n’ont pas été investis au bénéfice de la population mais auraient servi à acheter des voix pour l’obtention d’un second mandat. Durant la campagne électorale, M. Bouteflika s’était bercé de discours autoglorifiants.

Réussira-t-il maintenant à bercer la population d’illusions à travers le programme que vient d’annoncer son Chef de gouvernement ? En ses heures de splendeur, Ahmed Ouyahia n’avait pas hésité à “ponctionner” les salariés à se présenter comme l’homme du ”sale boulot” qui a fermé des centaines d’entreprises au grand malheur de dizaines de milliers de leurs salarié ? Va-t-il aujourd’hui “ponctionner” les réserves de change pour tenter d’alléger les souffrances de la population ? Ce serait légitime, d’autant que ces réserves continuent de grossir grâce au prix du pétrole qui grimpe vers des sommets historiques.

En tout cas, la réponse doit être urgente. Et ne doit pas se faire par le biais de la matraque que l’homme du “sale boulot” semble manier avec beaucoup de légèreté. Durant des années, le terrorisme a mis sous l’éteignoir des revendications qu’il n’est plus possible d’étouffer.
La contestation sociale va donc reprendre ses droits avec plus de vigueur. Et même si le pouvoir de Bouteflika a affiné ses méthodes répressives, il ne réussira pas à la conjurer par la peur.

Par Yacine Kenzy, Liberté