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Lutte contre le terrorisme

Rapport des Nations Unis

mercredi 17 mars 2004, par Hassiba

La lutte mondiale menée par les Etats-Unis contre le terrorisme et plus précisément contre Al Qaïda s’avère-t-elle moins efficace que les discours tenus et les dispositifs alloués ne le laissent entendre ?

La définition du terrorisme ne fait pas l’unanimité, celle d’Al Qaïda et de la menace supposée qu’elle représente au niveau mondial ne l’est pas davantage. La coopération internationale dans le domaine souffre officiellement d’insuffisances. Quant à la pacification de la situation en Afghanistan, le cœur supposé du réseau terroriste, elle traduit les difficultés inhérentes à la gestion des conflits de basse intensité

Selon un nouveau rapport publié par un groupe d’experts 1267 des Nations unies (le Britannique Michaël G. Chandler, le Jordanien Hassan Ali Abaza, l’Américain Victor Comras, le Français Philippe Graver et le Népalais Surendra Shah), une zone reculée à l’est de l’Afghanistan comprenant des camps d’entraînement terroriste connaît des signes de regain d’activité.

Rendu public le 17 décembre 2003 mais peu médiatisé, le dernier rapport du groupe créé en 1999 et chargé de contrôler le suivi des sanctions contre Al Qaïda et les taliban (gel des fonds appartenant à Al Qaïda et à ses associés, mise en place d’une interdiction de voyager et embargo sur les armes) affirme avoir reçu des informations sur « plusieurs nouveaux camps d’entraînement de petite taille et très simples ».

Deux éléments sont mis à l’index pour expliquer l’échec relatif de la lutte antiterroriste. Le premier concerne la coopération internationale. Ainsi le rapport affirme-t-il que certains pays -sans les citer, diplomatie oblige- ont été réticents à livrer des noms à la commission du Conseil de sécurité mise sur pied pour le suivi des sanctions contre Al Qaïda. Plus précisément, sur 191 Etats membres de l’ONU, 108 ont refusé de fournir des informations sur Al Qaïda. « 108 Etats déclarent ne jamais avoir observé sur leur territoire quoi que ce soit qui valide l’existence d’Al Qaïda et ne pas se sentir concernés par cette prétendue menace planétaire. » La liste officielle d’individus et entités associés à Al Qaïda établie par l’ONU compte plus de 300 noms, mais beaucoup manquent.

Le rapport comprend une liste de plus de 100 personnes soupçonnées de liens avec Al Qaïda et demande donc aux Etats membres de fournir des informations sur ces personnes. Figure dans cette liste le chef de guerre afghan Gulbuddin Hekmatyar, dont les partisans sont soupçonnés d’être derrière plusieurs attaques contre les forces américaines en Afghanistan en 2003.Dans le rapport précédent publié en juillet 2003, les insuffisances en matière de collaboration internationale avaient déjà été dénoncées. Le président du comité chargé de suivre le régime de sanctions, Heraldo Munoz Munoz, avait constaté qu’un tiers seulement des membres des Nations unies avaient soumis au comité leurs rapports nationaux d’application du régime de sanctions. Il a demandé aux Etats d’honorer leurs obligations en soumettant les informations qui leur sont demandées, selon les directives arrêtées par le comité.

Quant à la menace relative au fait de rapporter toute insuffisance ou manquement de la part d’un Etat membre dans son rapport annuel de la fin de cette année, elle n’a pas été mise à exécution.A ce propos, John Negroponte (le représentant américain) a précisé, en juillet 2003, qu’à ce jour, environ 135 millions de dollars ont été saisis depuis les attentats du 11 septembre. Or, note-t-il, 39 Etats membres n’ont pas encore introduit de législation nationale en faveur du gel des avoirs des personnes ou entités soupçonnées d’être impliquées dans ces financements illicites. De plus, un nombre encore plus important d’Etats n’ont pas fourni d’informations nécessaires au renforcement des sanctions définies dans la résolution 1267. « Compte tenu de l’ampleur de la menace posée par Al Qaïda, il est anormal que seuls 30% des Etats membres aient soumis des rapports nationaux, empêchant ainsi le comité de travailler à pleine capacité », a-t-il critiqué. Les Etats-Unis estiment également nécessaire le contrôle des transferts de fonds informels, dont le système Hawala fait partie ainsi que toutes les formes de financement à but caritatif.

Le second élément concerne l’efficacité relative de l’embargo sur les armes. Le groupe d’experts a recommandé aux membres du Conseil de sécurité de placer l’Afghanistan au cœur des efforts d’embargo sur les armes, d’autant que ce pays demeure une source facile d’armes au réseau. Preuve qu’ils continuent de recevoir des armes et des munitions, les taliban s’opposent régulièrement aux forces de la coalition.

Les groupes s’adaptent

Si les Etats ont effectivement progressé pour contrarier le financement d’Al Qaïda et démanteler ses cellules, le groupe continue de recevoir des afflux de fonds ininterrompus. Aussi beaucoup de ses éléments opérationnels restent-ils en liberté et développent-ils des alliances avec des groupes extrémistes nationaux ou régionaux. Les observateurs ont également noté l’apparition de bases islamistes dans le Nord et plus précisément à Koundouz, Takhor et Badakhchan. Celles-ci sont occupées par la rébellion islamiste, opposée au gouvernement afghan depuis la chute du régime taliban en 2001.

Le Mouvement islamiste d’Ouzbékistan (classé groupe terroriste par l’Administration américaine), a quitté les anciennes bases sur la frontière avec le Pakistan pour rejoindre le nord (la frontière afghano-tadjike longue de 1 340 kilomètres). Selon des responsables tadjiks, les islamistes se rapprochent des Etats d’Asie centrale, pays pauvres où ils cherchent à attirer de nouvelles recrues et à provoquer l’instabilité. Michael Chandler est assez proche de cette analyse. Ainsi le président du groupe d’experts a-t-il expliqué que lesdits camps sont situés près d’Asadabad, une ville au nord de Jalalabad. Il a précisé que les forces de la coalition sous direction américaine avaient connaissance de l’existence de ces camps, mais que les terroristes qui les utilisent ne sont pas facilement repérables.

« [Les terroristes] sont conscients que les forces de la coalition ont actuellement d’excellentes capacités de surveillance et il est donc improbable qu’ils aient quoi que ce soit qui pourrait attirer l’attention. Ils tendraient donc à garder tout cela aussi petit que possible et également aussi discret et mobile que possible », a analysé Chandler. Mettant en garde contre ce qui risque d’arriver, l’expert sera clair : « Ne nous cachons pas la réalité, les sympathies pour cette organisation sont actuellement largement répandues dans nombre de pays -[ces jeunes gens] sont heureux de se porter volontaires et de recevoir un entraînement. Ils croient que c’est quelque chose qu’ils doivent faire. » Cette croyance est peut-être alimentée par les conditions de la reconstruction jugées sévèrement (présence étrangère, conditions d’entraînement des forces nationales, bas salaires ou les liens avec les milices moudjahidin).

Selon les Nations unies, davantage d’attaques ont été perpétrées contre des civils entre octobre 2003 et janvier 2004 que lors des 20 mois qui ont suivi l’accord de Bonn de décembre 2001. Accord ayant élaboré un nouveau cadre pour un Afghanistan censé être débarrassé des taliban. En parfaite complémentarité avec ces propos, le ministère afghan de la Défense a révélé en janvier 2004 qu’environ 3 000 recrues avaient déserté l’Armée nationale afghane depuis 2002. Sur ces 3 000 déserteurs, 800 hommes ont quitté cette armée après avoir achevé leur formation.

L. A. H., La Tribune