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Taleb Ibrahimi crie au complot

Après le rejet de sa candidature

lundi 8 mars 2004, par Hassiba

Le Conseil constitutionnel est « peuplé de plombiers ». Zerhouni est soit un censeur politique, soit un policier aux « grandes oreilles ».

Il se peut même qu’il soit derrière le « casse » du bureau scellé du Conseil où se trouvaient les dossiers des candidats et que le chef de l’APN aurait évoqué à Skikda. Un ministre « rompu aux écoutes et capable de commenter des résultats avant même qu’ils ne soient publiés par Mohamed Bejdaoui ». Bouteflika, lui, est un « président candidat » qui transforme son gouvernement en « comité de soutien » et les ressources publiques et étatiques en « bien privé ». Un « illuminé » ressuscitant le « charlatanisme colonialo-confrérique » et qui se plaît à visiter des villages Potemkine pour se persuader de sa victoire, le 8 avril prochain. L’Armée, elle, a une « posture complaisante et ambiguë ».

C’est, en gros, ce qu’il y a dans la déclaration « coup-de-poing » que l’ex-candidat Ahmed Taleb Ibrahimi a lue et commentée hier dans sa permanence, rue Tolstoï à Hydra.

L’homme, qui s’est dit offensé par l’interdiction du wali de le laisser faire sa conférence de presse au Centre international de presse (CIP) - un lieu plus spacieux et plus adéquat -, ne s’est pas moins montré très agressif et d’une violence verbale qui ne ressemble pourtant pas à son personnage. C’est que Taleb est persuadé d’avoir été liquidé dans un complot ourdi par le président sortant et ses partisans. Le récit de son aventure durant la collecte des fameuses signatures est tantôt grave, tantôt digne d’un polar de série B : des signatures qui brûlent dans les émeutes de Ouargla et de sa banlieue, un missionnaire chargé de sacs de signatures disparaissant dans une wilaya de l’ouest du pays et sans aucun signe de vie depuis, des documents du même genre (plus de 1.600 signatures) subtilisés dans l’est du pays, des sympathisants découragés par des bureaucrates retors dans une Algérie (vraiment) profonde. Puis, enfin, des comptables du Conseil constitutionnel qui arrêtent leur machine à calculer au chiffre cruel de 74.000 signatures. « Pourquoi pas plus, pourquoi pas moins. Pourquoi 1.000 ? », dira ironiquement Mohamed Saïd, fidèle parmi les fidèles.

Taleb, lui, ne s’interroge pas. Il affirme « rejeter la décision » du Conseil constitutionnel et jure « avoir bien compté ». »En dépit des contraintes et des difficultés que mes collaborateurs ont subies, j’ai déposé 94.000 signatures. 79.000 ne souffrent d’aucune équivoque », sauf dans l’esprit de « ceux qui ont voulu m’éliminer à tout prix » et permettre à Bouteflika de « choisir ses candidats », a-t-il déclaré. Il analyse aussi. Pour comprendre 2004, il faut, selon lui, reprendre 1999 et la leçon infligée à Bouteflika par le retrait des « six ». Autrement, a ajouté M. Taleb Ibrahimi, « je n’imagine pas qu’un candidat comme moi, qui a fait à l’époque un score de plus d’un million de voix, puisse être incapable de recueillir 75.000 signatures ». Un différentiel énorme, en effet. Mais qu’il souhaite expliquer par les trois demandes qu’il a formulées solennellement : inviter « les membres du Conseil constitutionnel et tous les citoyens ayant une relation avec l’affaire » de porter témoignage « pour (...) libérer les consciences », ou à présenter une »démission collective » pour préserver, dit-il, la « crédibilité » du Conseil. En troisième lieu, il appelle à la « mise en place d’une commission neutre, constituée de personnalités nationales intègres et indépendantes, non candidates aux prochaines élections présidentielles ». Cette commission, précisera-t-il, aura « pour mission de faire la lumière sur cette scandaleuse affaire ». Elle devrait lui permettre, sinon de recouvrer ses droits, du moins lui permettre de relancer sa demande d’agrément pour Wafa. Car il tient absolument à son parti qui, a-t-il dit, « verra le jour avec ou sans moi ».

Et pour le 8 avril ? Taleb dira qu’il ne donnera aucune consigne contraire à la volonté de ses militants et qu’une décision collective sera prise dans les jours prochains. Mohamed Saïd, lui, préfère entretenir le suspense. »Tout peut changer jusque-là », a-t-il lancé à des journalistes intrigués par le message.

Noureddine Azzouz, Le Quotidien d’Oran