Accueil > ALGERIE > Tarek Mira : Les raisons d’espérer

Tarek Mira : Les raisons d’espérer

mercredi 7 avril 2004, par Hassiba

L’élection présidentielle du 8 avril prochain est différente de ses devancières à plus d’un titre. Un certain nombre de conquêtes, combinées aux fissures et à l’usure du pouvoir, peuvent, dès cette date, remettre à l’endroit le sens de la citoyenneté.

Gagnée par le désenchantement, synonyme de la résignation, l’opinion publique s’est réinvestie de manière active à la vie publique si l’on se réfère aux affluences constatées lors des divers et nombreux meetings.

Le frémissement de l’électorat s’est mué en un engouement pour ce scrutin qui, par conséquent, peut nous réserver d’énormes surprises. L’intérêt croissant du citoyen relève de plusieurs critères dont le premier est lié à la nature de l’élection présidentielle. Les pouvoirs constitutionnels conférés au chef de l’État - qui sont énormes -, placent ce scrutin en tête de tous les autres. La vie politique nationale dépend en grande partie de cette consultation. La passion qui monte des profondeurs de la société montre, à sa manière, l’attraction exercée par cette compétition. Le vote gagne en adhésion plusieurs secteurs d’opinion. Ici, le rejet de Bouteflika d’abord ; là, des programmes concurrents, voire antinomiques, mobilisent l’électorat en faveur d’une plus grande participation. Ce constat est encouragé par l’incertitude du résultat car, pour la première fois, le pouvoir n’a pas réussi à dégager un consensus autour d’un candidat unique.

Deux personnalités issues d’un même régime s’affrontent férocement. Le duel Bouteflika-Benflis libère des espaces et des espérances dont il faudrait saisir l’importance et le sens. La fragilisation du système a débouché sur une offre politique et électorale inédite qui menace, de façon heureuse, l’immobilisme ambiant. La transformation (élection de Benflis) ou le dépassement (élection de Sadi, candidat de l’opposition démocratique) du système doivent être les prolongements logiques de cette situation.
La possibilité d’avoir une élection propre est obtenue par une accumulation de luttes démocratiques, souvent nées en dehors et contre le système en place. Ces dernières ont aiguisé les luttes internes et ont fait se fissurer l’ordre ancien qui est amené à revoir la loi électorale. Il y a là un troisième élément d’espérer pour qu’enfin les Algériens se mobilisent et se reconnaissent dans les institutions étatiques.

La mise à fin du vote des corps constitués dans les casernes ou leurs lieux de travail et la remise des procès-verbaux aux représentants des candidats notamment sont des gages d’une plus grande régularité électorale.
Cependant, toute fraude n’est pas complètement écartée. L’existence d’électeurs fictifs sur l’ensemble du territoire national peut s’avérer plus ou moins importante et fausser le scrutin. Si l’on voit comment la justice est vassalisée, le président-candidat peut exploiter de manière indue les énormes ressources administratives de l’État pour atteindre son objectif. Cette élection présidentielle ne sera décidément pas comme les autres, car elle survient dans un moment où la Kabylie, bastion de l’idée démocratique, panse encore ses blessures du Printemps noir.
Le prochain vote révèle, en Kabylie, une dichotomie entre partisans et non-adeptes du jeu institutionnel. Depuis l’ouverture de la campagne électorale, il s’opère un double mouvement : la mobilisation populaire en faveur de la candidature de Sadi (les meetings massifs de Béjaïa, Bouira, Boumerdès, Tizi Ouzou, en font foi) et l’échec des appels à la grève lancés par les archs. Les simulacres de radicalisme qui frisent la fuite en avant, sur fond de négociations douteuses avec le gouvernement, rencontrent de moins en moins d’écho.

L’absence de perspectives, d’un côté (archs) la fixation d’un objectif de l’autre (gagner la présidentielle et faire aboutir la plate-forme d’El-Kseur) relibèrent un espace fécond pour la présidentielle. La réintégration du jeu institutionnel par le président du RCD est un élément supplémentaire qui s’offre à l’Algérie d’hâter le changement historique attendu par l’avènement d’une alternative démocratique. Cette dernière devient de plus en plus palpable eu égard aux raisons invoquées plus haut, à la pénétration en profondeur de l’idéologie démocratique - longtemps stigmatisée - dans la société “urbaine” et, enfin, l’accueil chaleureux réservé sur l’ensemble du territoire national à Sadi sont des références dans ce sens.
Concernant le candidat de l’opposition démocratique, tous les observateurs s’accordent à louer la qualité de sa campagne électorale - le seul à mêler proximité et meeting - et à souligner la différence entre 1995 et 2004. La combinaison entre l’adhésion à l’idée démocratique et l’alternative du candidat Sadi sont une réalité qui donne un autre espoir à cette consultation et au peuple algérien dans sa quête de parachever le combat initié par le Mouvement national pour mettre en place l’État démocratique et social.

Face à l’enjeu, il y a des segments d’opinion qui travaillent en faveur du “vote utile” avec un seul objectif : battre Bouteflika. Ils tentent de faire croire l’idée que Bouteflika sera élu au premier tour, invitant ainsi les électeurs à faire “le bon choix”, c’est-à-dire se reporter sur la personne la mieux placée pour battre Bouteflika. Ils excluent, dans leur raisonnement, implicitement et explicitement l’alternative démocratique et le candidat qui porte ses espoirs, en l’occurrence Saïd Sadi. Ceux-là commettent, au-delà de leur raisonnement intéressé, d’énormes erreurs d’appréciation :
 Le scrutin majoritaire uninominal à deux tours (France, Portugal, Algérie) a une règle d’or : au premier tour on choisit, au deuxième on élimine.
 Appeler à voter en faveur du candidat le mieux placé contre Bouteflika n’enlèvera aucune voix à ce dernier car les suffrages vont venir des autres candidats en faveur du premier. Si donc Bouteflika doit être élu au premier tour - hypothèse invraisemblable - ce raisonnement est absurde.
 Enfin, les partisans de cette option feignent d’oublier que le meilleur moyen de faire évoluer le système, c’est d’exercer des pressions externes sur lui.

Dans ce sens, le vote en faveur de Sadi est la meilleure garantie. Pour la première fois depuis la mise en place du nouveau processus de légitimation, inauguré par la présidentielle de 1995, il y a de réelles raisons d’espérer : l’alternance et/ou l’alternative feront entrer l’Algérie dans le cercle restreint des démocrates en marche. La campagne électorale a révélé chez l’Algérien son atavisme pour la liberté qui le prédispose à saisir et à maîtriser son destin politique et national. Pour la première fois, il y a une combinaison de facteurs qui donne cohésion à l’idée démocratique et au candidat qui les porte : Saïd Sadi.

Une chance s’offre à nous pour insérer dans les institutions les valeurs et le projet démocratiques. L’acte civique possède cette vertu d’éveiller les consciences et des facultés de révolte. Seules les batailles non livrées sont perdues d’avance. L’heure a sonné pour la mobilisation et le rassemblement.

Tarek Mira, Chargé des textes Comité de campagne du candidat Sadi

Source : Liberté