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Tizi Ouzou refuse les élections du 8 avril 2004.

vendredi 9 avril 2004, par Hassiba

Le spectacle rappelle bizarrement les scènes vécues le 10 octobre 2002, jour de la tenue des élections locales : Tizi Ouzou refuse les élections du 8 avril 2004.

Ses villes et villages offraient, hier, une mine de deuil pour signifier que le contentieux politique avec le pouvoir n’est pas réglé pour penser à l’organisation d’un scrutin présidentiel. Les populations n’ont pas eu recours à une démonstration de force pour empêcher les opérations de vote, contrairement aux précédents rendez-vous politiques des législatives et des locales rejetées à coups d’émeutes et d’affrontements avec les forces de l’ordre.

Un appel du mouvement citoyen a suffi cette fois-ci pour que les citoyens boudent les urnes. Le mot d’ordre de la grève générale est aussi suivi massivement : rideaux de commerces baissés, rues et places publiques désertées par ses habitués. « La preuve est là pour témoigner que la Kabylie gronde toujours de colère et insiste sur la satisfaction de ses revendications soulevées après le déclenchement des évènements tragiques du Printemps noir 2001 », indique Boumekla Mouloud, délégué de Tizi Rached qui désigne du doigt l’école primaire des Frères-Khris, un centre de vote qui a fermé son portail. « Il y a eu zéro votant ici et tout le personnel réquisitionné pour la circonstance est rentré chez lui », lance-t-il à notre adresse, avant qu’un de ses camarades lui emboîte le pas pour annoncer que « sur les 17 centres de vote de la daïra, une vingtaine de votants dans 3 bureaux de vote situés dans les villages perchés sur les monts proches de la ville de Larbaâ Nath Irathen ont été enregistrés ».

Cette dernière ville, un des plus importants réservoirs électoraux de Tizi Ouzou, n’a pas enregistré une affluence de citoyens aux bureaux de vote, pour reprendre l’expression du secrétaire général de l’APC, rencontré en début d’après-midi à l’école de filles. « Sur les 16 000 inscrits, 800 personnes environ ont voté », signale-t-il. Les échos font état d’une véritable débâcle électorale. Akbil, Souamaâ et Timizart sont quelques communes citées où les citoyens ont unanimement décidé de tourner le dos aux urnes. « Vous voulez savoir si les gens ont voté ? Je vous réponds tout de suite : aucune urne n’est parvenue à un centre de vote », confie Hakim, un administrateur de l’APC de Timizart. Dans d’autres communes, des responsables locaux ont eu le même réflexe d’éviter de sortir les urnes de crainte de provoquer les citoyens. « On ne fait pas de fête dans un domicile mortuaire », s’indigne Mokrane, un quinquagénaire, agent des impôts à la wilaya de Tizi Ouzou. C’est dire que la ville n’est pas près d’oublier les 125 victimes et les milliers de handicapés à vie des évènements du Printemps noir.

A Fréha, où les citoyens s’apprêtent à recevoir la dépouille mortelle de Hakim Allouache, frère de Rachid Allouache, délégué du mouvement citoyen, décédé mardi dernier dans des circonstances suspectes, c’est à coups de pierres qu’ils ont accueilli les policiers dépêchés pour sécuriser les centres de vote. Un vote qui n’a pas pu avoir lieu en raison de la déferlante de jeunes révoltés. Une tension qui a marqué à un degré moindre les autres localités de la région et la ville des Genêts. Cela dit, les animateurs du mouvement citoyen ne sont pas satisfaits de la situation en raison des taux de participation officiels annoncés par la télévision.

Joint par téléphone, Belaïd Abrika, qui a fait la tournée des communes dans la journée, affirme qu’« au siège de la wilaya, la fraude bat son plein ». En tout état de cause, trois années après le déclenchement de la contestation, la colère gronde toujours en Kabylie. Hier, elle a une fois de plus fait savoir son refus de cautionner tout processus électoral tant que les revendications exprimées dans la plate-forme d’El Kseur ne sont pas prises en charge par le pouvoir central.

N.B. Le Matin